Elle a envahi nos rues et elle a étouffé nos vies. Elle a versé notre sang et celui de tous nos frères innocents.Elle a blessé nos âmes et elle a donné la mort. Une mort empeste! Celle orchestrée par la police. Une police qui tue. Oui la police tue en Mauritanie. La police tue parce qu’elle est autorisée à tuer. La police tue parce qu’elle se sent toute puissante. La police tue parce qu’elle n’a pas de compte à rendre. Elle est l’expression de la violence. Elle n’est que l’expression de la violence. Pas cette violence légitime dont parlait un certain Max Weber. Celle exercée pour dissuader et protéger, celle exercée pour apaiser et sécuriser. Elle est plutôt celle qui opprime et terrorise. Celle qui rackette et torture. Celle qui séquestre et martyrise. Celle qui ôte des âmes et fait des orphelins. Celle qui ôte des vies et fait des veuves. Elle est celle qui ronge et ruine. Elle est celle qui nuit et matraque. Elle est celle qui brise les rêves et évapore les espoirs. La police tue parce que notre Etat l’autorise et avalise. La police tue parce que notre Etat est autiste et complice.
Notre peuple est un peuple pacifique, du moins c’est l’image que l’on s’en fait tous. Nous sommes donc des citoyens non violents. Nous le sommes car nos croyances ont anesthésié cette partie de nous. Elle est pourtant inhérente à notre humaine nature; elle est pourtant nécessaire pour la grande Histoire.
Mais face à l’arbitraire, notre indignation s’est exprimée. Elle s’est exprimée à la hauteur de l’ineptie de nos dirigeants. Elle s’est exprimée puissamment, elle s’est exprimée sans trembler, elle s’est exprimée sans cligner des yeux.
Notre détermination est paroxystique. Nos jeunes sont descendus dans la rue. Ils ont battu le pavé,certains y sont morts, beaucoup ont pris des coups, ils en ont donné aussi!
La jeunesse mauritanienne s’est mobilisée. Désormais, personne ne peut plus lui reprocher d’être une jeunesse passive, une jeunesse insouciante, une jeunesse désarticulée. Elle a résisté, elle s’est battue. Elle s’est défendue, elle s’est surpassée. Elle utilise brillamment les nouveaux canaux de communication. La censure virtuelle à l’occasion des mobilisations sociales est une preuve évidente de leur efficacité.
En restreignant l’accès à l’information et en limitant la capacité des citoyens à s’organiser, le gouvernement tente demuseler les voix dissidentes et d’étouffer la mobilisation pour la justice.
Mais nous disons: « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté ». Tel est le pacte humain, que nos sociétés modernes ont établi…
EXCLUSIF SENEPLUS – La situation en cours résulte de la dérive autoritaire du président. L’hubris d’un pouvoir qui emprisonne ou exile ses opposants les plus menaçants, réprime les libertés et tire sur son propre peuple avec une révoltante impunité
Il convient, tout d’abord, de nous incliner devant nos morts et d’avoir une pensée pour leurs proches endeuillés. Ils sont une vingtaine, à l’heure où nous écrivons cette tribune, à avoir déjà perdu la vie. Ce décompte lugubre pourrait croître dans les jours qui suivent.
Les événements en cours exigent de chacun qu’il prenne ses responsabilités. Nous affirmons que la situation que vit actuellement notre pays résulte de la dérive autoritaire du président Macky Sall. En 2012, notre confiance l’a placé à la tête de l’État sénégalais. Mais mû par son désir de se maintenir à tout prix au pouvoir, il s’est promis de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Le président Macky Sall a ainsi semé les graines de la discorde et de la violence dans notre pays. Sa responsabilité devant le peuple sénégalais est sans appel. L’Histoire retiendra que c’est lui qui nous a entraînés dans cette crise politique sans précédent, fragilisé notre tissu social et affaissé nos Institutions. Il a de surcroît imprudemment libéré les monstres qui sommeillent en chaque groupe humain et qu’il convient de toujours brider par une pratique de la justice, de l’égalité des citoyen.ne. s et de la paix sociale.
Si nous en sommes arrivés là, c’est parce que nous, le peuple sénégalais, n’avons pas assez réagi quand le régime en place s’est mis à traquer les militants et les cadres de Pastef en plus bien évidemment de son leader, Ousmane Sonko. Il y a pourtant eu des signes avant-coureurs – que nous n’avons hélas pas su décrypter – de cette campagne de répression systématique et sans précédent au Sénégal.
Depuis quelque temps, en effet, tous ceux qui osent élever la voix contre une troisième candidature du président sortant en font immédiatement les frais. Peu à peu, les interdictions de marches pacifiques sont devenues la règle ; les arrestations et emprisonnements arbitraires se sont multipliés. Dans un tel contexte de brutale fermeture de l’espace politique, les procès aux verdicts ubuesques et la séquestration illégale d’un dirigeant de l’opposition en sont venus à paraître d’une inquiétante banalité.
La nature socratique du verdict du procès d’Ousmane Sonko a fini par convaincre que ce n’était pas la manifestation de la vérité qui était visée, mais bel et bien l’élimination d’un opposant politique dans la perspective des prochaines élections présidentielles. Elle pose surtout le problème de notre appareil judiciaire dont la fragilité et la fébrilité sont apparues au grand jour.
En vérité nous sommes tous témoins, depuis plusieurs mois, de l’hubris d’un pouvoir qui emprisonne ou exile ses opposants les plus menaçants, réprime les libertés (notamment celles de la presse) et tire sur son propre peuple avec une révoltante impunité. Nous sommes aussi tous témoins des errements d’un État désireux de rester fort à tout prix – ce prix fût-il celui du sang, de la dissimulation, du mensonge -, oubliant qu’un État fort est un État juste, et que l’ordre se maintient d’abord par l’équité.
A cette réalité brute, l’appareil idéologique du régime en place a répondu que rien ne se passait ; et que ceux qui se trouvaient en prison étaient des individus qui avaient contrevenu aux règles, violé la loi, ou mieux, n’avaient pas respecté les règles de l’État de droit. Par un étrange renversement de perspective, ceux qui ont affaibli et décrédibilisé les Institutions de la République – notamment la Justice, devenue partisane -, les mêmes qui ont rompu l’égalité des citoyens devant la loi, sont ceux qui s’en proclament les gardiens.
Aux citoyen.ne.s dénonçant cet état de fait, on oppose une batterie de chefs d’inculpation allant de la diffusion de fausses nouvelles au discrédit jeté contre les Institutions, en passant par l’appel à l’insurrection, pour justifier l’appareil répressif mis en place contre eux. Par ces actes, c’est toute la conscience démocratique de la société civile sénégalaise qui est réprimée, sommée de rentrer chez elle et de baisser pavillon. Ce désir d’instiller la peur chez les citoyens et d’inhiber ainsi toute velléité de protestation par le langage et le discours a cependant quelque chose de profondément anachronique : les Sénégalais.e.s sont attachés à leur liberté de parole et ils n’y renonceront pas.
Un autre déni majeur est celui de la demande de justice sociale et de justice contentieuse de la part d’une jeunesse qui représente 75 % de la population sénégalaise. Cette jeunesse, en plus de manquer de perspectives, n’a pas d’espace d’expression politique et voit ses rêves d’une société plus équitable hypothéqués. Nous voyons enfin des populations, déjà précaires et laissées à elles-mêmes, aux prises avec les problèmes élémentaires du quotidien le plus rude. Elles observent avec tristesse et impuissance la frénésie accumulatrice d’une caste qui s’enrichit illicitement, cultive un entre-soi indécent et répond, quand on l’interpelle ou lui demande des comptes, par le mépris, la force ou, pire, l’indifférence. Une caste que rien ne semble plus pouvoir affecter, ni la misère sociale, ni sa propre misère morale : voilà le drame.
Aujourd’hui, comme hier, le langage, lieu primal de la lutte de la vérité contre le mensonge, demeure fondamental. La première des compromissions consiste à ne pas nommer ce qui est, à l’esquiver, à l’euphémiser, à le diluer par des tours de passe-passe sémantiques, ou à tout bonnement travestir la réalité. La première des oppressions qui nous est faite est d’avoir tenté par moult opérations de nous obliger à prendre le mensonge pour la vérité. Pour cela, l’appareil idéologique de l’État a tourné à plein régime en produisant des discours ayant pour objectif de voiler le réel.
Nous tenons à alerter à travers cette tribune sur l’usage excessif de la force dans la répression du soulèvement populaire en cours. Symbole de la violence de l’État contre la société, cette répression prend aujourd’hui une forme nouvelle et particulièrement inquiétante. Il s’agit, ni plus ni moins, de la « dé-républicanisation » des forces de défense et de sécurité auxquelles ont été intégrées des milices armées opérant au vu et au su de tous. En agissant de la sorte, le régime actuel est en train de faillir à son devoir de protéger le peuple sénégalais.
Une autre dimension de l’oppression est le gouvernement par la violence et la peur que le régime actuel a méthodiquement mis en œuvre depuis un certain temps. L’intimidation des voix dissidentes, la violence physique, la privation de liberté ont été une étape importante du saccage de nos acquis démocratiques.
Nous n’ignorions pas, après 1963, 1968, 1988, 1993, 2011 et 2021, que l’histoire politique du Sénégal charriait sa part obscure de violence. Mais de toutes les convulsions qui ont agité l’histoire moderne de notre pays, celle qui se déroule sous nos yeux nous semble être la plus simple à résoudre et, par ce fait même, la plus tragique en ses conséquences actuelles. Il suffirait qu’un homme dise : Je renonce à briguer un troisième mandat qui déshonorerait ma parole d’homme, mon pays et sa Constitution, pour que la colère qui s’exprime dans les rues sénégalaises en ce moment même, sans disparaître tout à fait, s’atténue. Cet homme, c’est le président de la République. Qu’il annonce que les articles L29, L30 et L57 du Code électoral seront révisés, que le parrainage sera aboli afin de rendre les élections inclusives et que tous les prisonniers politiques et d’opinion seront libérés pour que la tension baisse, et que la paix ait une chance de revenir.
La vague de violence qui secoue le Sénégal depuis plusieurs jours n’est pas seulement liée à une conjoncture politique passagère : elle est aussi structurelle, profonde, ancienne. Elle traverse tous les pans de la société sénégalaise, et traduit une foi perdue dans l’État de droit ainsi que le désir d’une plus grande justice (sociale), que garantirait un pacte démocratique renouvelé. Toute la question est de savoir si le pouvoir actuel a encore le temps, la latitude, la volonté de mettre un terme à une spirale de violence dont il nous semble qu’il est, tout compte fait, le principal responsable. La voie royale vers une paix durable est cependant dans la réhabilitation de la Justice et dans l’édification, cette fois-ci, d’une société véritablement démocratique. Il s’agira après la tempête, de refonder le pacte Républicain, de construire d’authentiques contre-pouvoirs, de reformer en profondeur nos Institutions, de sortir de notre hyper-présidentialisme afin de ne plus conférer à un seul individu un pouvoir sans limites et sans contrôle.
D’emblée, je réitère ma position exigeant la reprise du vote du 13 mai 2023 et félicite la totalité des courants de l’opposition – et certains de la majorité – de leur alignement sur la ligne de l’annulation, compte tenu de l’ampleur, sans précédent, de la fraude et des irrégularités. Je les remercie, également, du soutien public et ferme, qu’ils me témoignèrent pendant ma détention. D’un élan commun, ils ont perçu l’étendue de la falsification du verdict des urnes et diagnostiqué l’obstruction brutale à l’attente d’une compétition dans la transparence et la paix. Un tel acharnement constitue une excitation à la « violence libératrice ». En conséquence, notre engagement ne varie contre l’imposition d’un résultat erroné.
Au lendemain du sabotage du scrutin général des 13 et 27 mai 2023 – évènement qui nous vaut une « défaite cuisante » malgré la mobilisation des Mauritaniens en faveur du changement, première étape vers la rupture salutaire – l’heure de l’introspection critique est venue. Par-delà la faillite de la Commission nationale électorale indépendante (Ceni) et en dépit de la distorsion des moyens de campagne au profit du parti-Etat, avatar du Prds et de ses satellites de la mouvance conservatrice, l’opposition, quoique légitime à remplir son rôle de dénonciation, ne peut plus s’exonérer de l’autocritique, si elle entend rehausser et honorer sa mission. Dans la diversité de ses composantes, débarrassée des contingences d’égo, de la discorde par média interposés et des querelles de préséance qui ne cessent d’en miner le parcours, elle ne saurait, à présent, éluder l’impératif d’une refondation sur des bases de confiance, de solidarité, d’innovation et de disponibilité constante et décomplexée à réévaluer son devenir.
L’habitude de la réprobation en paroles, les communiqués de presse, le magistère de la rhétorique audio-visuelle, la paresse consécutive et le réveil saisonnier à l’occasion du suffrage universel consacrent l’échec de méthodes désormais en décalage avec l’ampleur de la tâche. Face à l’essor du tribalisme et devant l’arrogance de l’oligarchie de la prébende, de la prédation et de l’impunité raide, il nous faut observer, ensemble, un moment de réflexion et de remise en cause. Il ne s’agit plus seulement d’un choix de rationalité mais d’un réflexe de survie. Il nous échoit de renouer le lien à la société civile, reconnaître la communauté des blogueurs, convenir de la répartition des tâches, y pourvoir sans relâche, incarner l’espoir, retrouver le chemin de la persuasion et, enfin répugner à nous rabattre, toujours, sur les facilités oratoires de l’imprécation dont la suite en actes se perd – souvent inaudible – dans la tuyauterie de l’instantané et du virtuel.
A défaut de l’élan vigoureux pour se réunir et alimenter la certitude que nous sommes dignes de vaincre par le nombre, voire de restaurer les équilibres fondamentaux de la Mauritanie, notre errance se poursuivrait ; l’un après l’autre, à force de privations et de lassitude, de faim et de faiblesse, nous deviendrions les acteurs d’un pathétique théâtre de marionnettes dont la gent militaire et ses relais marchands ne se lasseraient de rire.
Notre désunion les engraisse, prolonge leur ardeur à garder le pouvoir et, ainsi, amplifie la béance entre le peuple et nous, son avant-garde lucide. Or, le génie mauritanien recèle d’immenses ressources de résistance, de créativité et d’optimisme. J’invite mes compatriotes à revisiter et investir tant d’atouts féconds, plutôt à se les réapproprier, se rassembler et retrouver la voie de la réussite par le mérite qui est l’attestation même de l’égalité si chère aux justes.
Aussi, après « l’insuccès dans les urnes » et avant le cumul de ses vicissitudes potentielles, j’invite, mes compatriotes, à soutenir le projet des Assises de la refondation de la République islamique de Mauritanie, auquel je convie les volontés dont la dignité et la détermination subsistent et prospèrent, encore, à l’abri de la majorité alimentaire, vivier de la médiocratie et point de chute des chefferies fin de race. Je m’engage à mener le travail d’explication, auprès des partis, des associations, des corporations de métiers et des élus qui partagent le devoir d’abroger la résignation et, aspirent, autant, à éradiquer la vanité d’attendre une délivrance venue des cieux.
En toute humilité et disponibilité, je présente l’initiative à mon camp, celui, bien compris, des patriotes émancipés de l’ethnicité, réfractaires à l’Etat-boutique et résolus à exister et mourir, sans jamais courber l’échine ni sacrifier au fait accompli.
Biram Dah Abeid, député et candidat à l’élection présidentielle 2024 Mauritanie / Nouakchott, 30 mai 2023
Comme d’habitude, ça se sent scandalisés dans tous les sens avec un certain sentimentalisme aux relents hypocrites. L’expression d’un certain racisme n’est pas une poussée expresse d’une bêtise venant d’un pan isolé de l’environnement de la société à majorité blanche. Il s’insère « logiquement » et inévitablement dans un cheminement racialiste au cœur de sociétés blanches à l’endroit de l’élément Noir. Un supporter fan de football en Espagne, un suprémaciste américain soutien de D Trump et le touareg politisé du nord malien peuvent se retrouver sur une même donnée-source inspirant leurs idéologies socialisées d’un racisme évident anti Noir. Le livre de Charles W.Mills, LeContrat Racial explicite et donne de pertinentes notions fouillées de compréhension sur le cadre paradigmatique de fond. Ce fond systémique qui assoie et motive toute l’affaire du racisme anti Noir. Ainsi des restes venant de bulles papales d’antan, des théories et idéologies concoctées par de penseurs sociologues et philosophes d’hier dans la sphère blanche (principalement occidentale), tiennent et persistent dans une certaine conscience collective de l’environnement « blanc ».
Parmi les solutions possibles contre ce racisme, il faut une reconnaissance claire et nette qu’il est motivé et généré par un système politique historiquement racialiste. Le monument du Christ rédempteur en veille (durant quelques minutes) à Sao polo au Brésil pour soutenir l’attaquant Noir du Real, n’est qu’un symbolisme puéril pour un bref remède de conscience pour les esprits distraits.
Il en faut beaucoup de SÉRIEUX pour changer la donne, pour l’instant l’environnement Afro à l’échelle mondiale fuit ici, subit là et se complaît là-bas !
Dans le contexte démocratique, une élection est un moment critique, un instant d’une rare gravité quant à la vie publique. L’enjeu est d’une telle tragédie que l’acte du vote, emblème populaire de l’occasion, en devient une formalité quelque puisse être fondamentale l’importance de son rôle dans la délibération. Ce qui doit occuper le devant de la scène publique, c’est bien un débat actif, libre et généralisé, qui puisse faire exprimer le peuple dans ses structures les plus touchées par l’action politique, de sorte à situer le plus clairement possible chaque candidat, chaque programme et chaque parti. Cette condition semble être nécessaire en ceci qu’elle aide à éclairer le chemin qui mène le citoyen à l’urne, mais aussi dans son aspect de lutte contre les tares électorales telles que l’achat de conscience ou, plus exactement, le détournement de conscience – qui, je le rappelle, est un autre type de détournement qui jouit d’une grande impunité. Ainsi, il n’est de meilleure occasion pour discuter des préoccupations du peuple ; non seulement de ses rapports avec le système gouvernant, ou de l’allocation et de la qualité des institutions et des services, mais aussi des inégalités et des injustices qui affectent sa vie quotidienne et la condition des citoyens. Dans cette contribution au débat, je me propose de faire une brève discussion de quelques sujets qui me paraissent intimement concernés. Je vais exposer donc trois dignités de base quotidiennement bafouées dans le pays : la dignité sociale, la dignité culturelle, la dignité humaine. • La dignité sociale : Elle est essentiellement la proie du système féodal et des réflexes patriarcaux multi-échelles. La caste est encore une réalité vive en Mauritanie dans la mesure où elle est prise en compte comme condition d’une transaction sociale fondamentale : le mariage. Le système social que nous avons hérité, et dont nous avons tant de difficultés à révolutionner vers un régime égalitaire, met en action une vie sociale dans laquelle une noblesse détient un pouvoir multiforme face à des castes assignées à des rôles subalternes et un groupe spécial voué à la servitude. Ce régime de vie sociale est un générateur permanent d’inégalités et d’injustices. Mais, contrairement à ce que l’on peut croire, ces inégalités ne portent pas que sur des paramètres symboliques, elles sont aussi économiques et politiques. Les terres héritées de l’ancien système sont, en général, détenues par les descendants de cette noblesse. Le pouvoir religieux est concentré dans des familles de la noblesse qui, par le biais des liens du mariage, assurent à la fois son partage et sa restriction au sein de la caste. Or, et le pouvoir religieux et la détention des terres constituent des facteurs économiques et politiques. Il est indéniable qu’ils participent, loin de tout système de mérite et de toute approche de redistribution, à alimenter les inégalités. Pour ce qui est des terres, le sens égalitariste peut remercier la course vers l’émigration, accentuée par l’avancée de la sécheresse, qui avait participé, à une mesure appréciable, à la libération de ceux qui, sans terres, étaient voués à de misérables conditions de dépendance. Malheureusement, comme l’on peut le comprendre sans peine, ce relâchement est de portée très limitée ; l’émigration, n’ayant pas de convictions politiques en soi, n’a été qu’une condition positive pour cette problématique, mais aucunement elle n’a été une mesure pour la résoudre. Les concernés trimbalent encore leurs lots de souffrance. Le phénomène abolitionniste, bien qu’ayant reçu le soutien et la sympathie de plusieurs figures dont celles issues de ladite noblesse, est cependant contré, et souvent avec violence, par le féodalisme. Donc le féodalisme, en tant que système, est réfractaire à l’idée de capituler même si quelques rares individus issus du milieu féodal actent contre ce système. On est là typiquement face à un phénomène, quasi-universel dans les luttes, où le comportement de quelques individus se retrouve à l’opposé de celui de la structure dans laquelle ils sont rattachés. Une subtilité souvent broyée sur le ring des luttes. Je le souligne parce que ces membres en question souffrent de leur achronie au sein des archaïsmes qui les entourent. Pour ceux parmi eux qui sont de caractère à aller au bout de leurs idées, la peine inévitable à essuyer est leur répudiation pure et simple par leur milieu social. Toujours est-il qu’il faut rappeler que la cellule unitaire qui fait la base de notre société est la famille, et qu’au noyau de celle-ci agit une interaction fondamentale qu’est le lien du mariage ; c’est ce dernier qui assure la liaison du sang et des fortes prérogatives qui y sont rattachées. Or ce lien est interdit entre castes ; nous sommes ainsi en droit de dire que nous vivons dans des apartheids sociaux qui ont toutes les clés pour ouvrir d’autres. L’autre figure sociale atteinte dans sa condition est la femme. Au moins pour ceux sédentaires parmi les anciens États, où la taille des cités faisait florir les marchés et des commerces de toutes sortes, les femmes avaient un pouvoir et une place qui ne demandaient qu’à s’étendre. La parité, quelque furent ses défauts notamment en politique, était de loin plus convaincante que ce qui est vécu aujourd’hui ; j’en veux pour preuve la place culturelle plutôt égalitaire dont les vestiges sont très éloquents et l’absence de contraintes vestimentaires et de déplacement pour n’en citer que celles-ci. Dans la transaction qui s’est opérée entre l’ancien et le nouveau cadre de vie, la place de la femme semble régresser dans plusieurs de ses aspects. Le système moderne implanté par des hommes à leur image (les administrateurs coloniaux étaient tous des hommes), calibré pour interagir avec de correspondants masculins, les systèmes postcoloniaux bâtis dans le mimétisme dans leur géniteur colonial… Tout ceci a concouru à établir une culture d’éloignement des femmes des positions de pouvoir, encore plus que ne le faisaient les anciens États précoloniaux où le pouvoir politique était englouti dans sa dimension militaire, et où l’administration et les institutions civiles n’avaient pas d’existence véritable, contribuant à retreindre le pouvoir effectif aux mains des combattants les plus belliqueux. Ceci explique le peu d’action qu’avait le pouvoir de l’époque sur la vie quotidienne des citoyens. Celle-ci était plus régie par l’organisation sociale et les pratiques culturelles que par une administration politique. Ainsi par le rôle qu’occupait la femme dans la chaine économique et dans le lieu culturel et social, sa place a été de plusieurs dimensions supérieure à celle qu’elle a dans un système où l’administration, de par sa construction, donne à l’homme la part essentielle tout en reléguant le champ traditionnel au second plan. Deux problématiques se posent notamment : 1) Les nouveaux chemins d’acquisition aux tuyaux économiques (salaires) sont ouverts aux sortants de la nouvelle école dans laquelle les femmes ont moultes difficultés à prospérer. Un conflit existe bel et bien entre les exigences sociales et les exigences de l’école. Ce conflit est plus contraignant pour la femme que pour l’homme, qui le subit aussi au fur et à mesure qu’il avance dans les études. Dans l’absence d’ingéniosité à transformer et l’école et la société pour l’avènement d’une formule salutaire qui résoudrait ce conflit, l’éducation moderne de la femme est globalement sacrifiée, son champ de perspectives d’épanouissement rétréci ;
2) Au niveau du droit, nous vivons dans un pays où la protection de la femme n’est pas assurée. La jeune femme victime de viol risque une sanction pénale, du fait de la loi contre le péché de la chair, en plus de ne jamais pouvoir échapper à la sanction sociale et au harcèlement généralisé. Elle est ainsi réduite au silence. Par ailleurs, la femme est de plus en plus assignée sous un ‘voile’ qui continue ronger expression publique. Un phénomène de harcèlement consistant à la ramener à «sa place » s’est accentuée avec l’avènement des réseaux sociaux où, à chaque altercation, elle voit sa vie privée, réelle ou fantasmée, profanée devant la foule.
• La dignité culturelle : La discrimination culturelle est un problème fondamental qui a surgi dès les premières heures de l’État mauritanien. Nous sommes là typiquement devant un fait d’État en cela que ce problème est purement le fruit d’une idéologie fondatrice de l’État et sur la base de laquelle s’érigent ses institutions, instruments de sa mise en œuvre. La Mauritanie est un pays multilingue, multiculturel. Et comme tout pays multiculturel, une question essentielle se pose quant à son affirmation identitaire : opte-t-elle pour l’affirmation de sa multiculturalité ? Et dans ce cas une gestion culturelle basée sur un principe égalitaire lui incombe. Ou choisit-elle de promouvoir une culture à développer au détriment des autres ? Dans ce cas, sous l’action de l’inégalité des moyens, les autres cultures verront leur présence décliner jusqu’au néant. Les deux types de modèles sont expérimentés dans le monde. Le premier est celui de la Suisse pour ne citer que ce pays, le second c’est celui de la France. Quant aux effets de chacun de ces modèles, le constat est simple : quand des langues comme le normand, le gascon, l’occitan, que rien ne semblait menacer, se sont retrouvés en voie de disparition en France jacobine sous l’action d’un français armé, une langue comme le romanche, que tout menaçait, s’est vue se maintenir et se développer sur les montagnes d’une Suisse multiculturelle. Pour ce qui est de la Mauritanie, de la constitution à l’administration, des canaux audiovisuels de l’État à l’école républicaine, le choix de l’unilinguisme ne fait pas de doute. Seulement, une fois que l’on dit que l’unilinguisme a été choisi, faudrait-il encore avoir la suite dans les idées à poursuivre la réflexion sur ce que cela implique, à court, moyen et long terme. Tous les exemples d’expérimentation d’une telle politique sont unanimes sur l’issue : la disparition des cultures non choisies. Là-dessus même les mécanismes par lesquels cette disparition procède sont bien compris. L’État mauritanien, dans une loi qui a fait couler beaucoup d’encre, a proposé en 2022 une réforme contenant un article qui traite de la politique linguistique. Un article qui rappelle dans sa substance le décret de 1979 sur l’expérimentation des langues pulaar, wolof et sooninke. Seulement, l’article ne laisse aucun doute sur le choix de l’arabe comme langue de la Mauritanie sur tous les plans. L’absence de décision juridique concernant l’usage des langues pulaar, sooninke et wolof, en particulier dans l’administration, qui donnerait ainsi des perspectives d’employabilité, met en lumière l’absence d’une politique égalitaire. Tout montre que le modèle proposé par cette loi est un modèle de transition vers l’unilinguisme arabisant plutôt qu’une étape vers le multilinguisme institutionnalisé. De plus, l’école, les médias, les espaces de pouvoirs et de services sont des lieux culturellement discriminants qui n’ont aucune autre exigence que le fait de parler l’arabe, ou disons le hassaniya.
La pulwolsooninkité n’apparait dans l’image officielle de la Mauritanie que dans de rares manifestations folkloriques, ou pour teindre les longues queues dans les centres d’État civil où la même frange de la population quémande une nationalité qui lui est pourtant due.
• La dignité humaine : Nous en avons déjà parlé dans le cadre social et culturel ; la dignité humaine est en effet atteinte dans l’oppression sociale et culturelle. Mais au-delà de ces deux processus identifiables et attribuables à des systèmes bien cernés, le peuple, dans sa globalité, souffre des conditions de vie dignes d’un autre temps. Un service de santé extrêmement défaillant, en particulier dans le monde rural. Les citoyens obligés de traverser les frontières pour trouver soins et soulagement à leurs souffrances. Ceux qui n’en ont pas les moyens sont impitoyablement abandonnés à leur sort. Des citoyens régulièrement réprimés pour avoir consommé un droit fondamental de manifester, d’autres tués à coup de bavures policières dans les cellules de commissariats. L’éducation périclite ; des collégiens qui ne savent ni lire ni écrire du fait du manque de rigueur d’un système idéologisé et négligé. Les diplômés qui s’entassent dans le chômage, en même temps que des milliers de milliards sont empochés des recettes de ressources vendues. Un pays où l’âge médian tourne autour de 20 ans (la moitié des mauritaniens a moins de 20 ans), muni des ressources aussi diversifiées que les mines, l’océan, un fleuve à la bordure duquel s’étendent de vastes terres cultivables, est incompatible avec le portrait de paupérisation continue qu’il ne cesse de renvoyer. Les deux supports de base d’une économie productive sont réunis. La corruption omniprésente est à combattre avec vigueur, elle constitue la plus grande embuche à la gestion rationnelle et intelligente des forces productives, des ressources naturelles et la mise en place des conditions matérielles d’un développement économique. Pour ne pas étirer la discussion, je conclus ce panorama de quelques problématiques parmi d’autres qui se posent à la Mauritanie. Je n’ai pas axé ma discussion sur les procédures défectueuses des institutions de l’État même si j’y fais allusion par endroit. J’ai privilégié m’appesantir, pour ce qui est de l’État, sur ses fondations inégalitaires. Par ailleurs, comme dans toutes mes analyses, le centre de mon référentiel est le peuple. Les concepts d’État, de république et de nation n’ont d’importance à mes yeux que dans la mesure où ils s’emploient au service du peuple. Car oui, ces conceptions, quelque pugnace que puisse être leur nature, resteront éphémères face à la longévité des peuples. Le génie du peuple c’est de savoir conserver son facteur humain tout en étant une si grande structure. La folie des États c’est de s’échiner à vouloir l’effacer au sein des cadres rigides qui n’ont jamais prévu la souplesse de s’infléchir pour amortir l’effet des vents de sa destruction. Dans un tel État, la sagesse millénaire des peuples, du fond de ses plus grandes trouvailles culturelles, doit s’exprimer. Et nous devons l’écouter. Nous devons refuser cette façon sournoise de tuer les débats par la fuite, cette façon d’envoyer une médiocre image de notre pays où tout se règle entre le boutiquier et le client, où tout s’achète et a un prix. Cette attitude n’est pas moins une corruption quand elle est usitée pour faire sauter une contravention que pour expier un crime. Elle est encore plus ignoble quand elle est employée comme procédure privilégiée d’adhésion électorale.
J’invite les citoyens mauritaniens à faire un comptage sur la représentativité des castes dans les candidatures qui défilent. C’est pertinent de le faire dans la mesure où les castes sont encore des entités sociales très fermées dont les préoccupations quotidiennes peuvent différer, et parfois, hélas, entrer en oppositions profondes. En particulier quand il s’agit de remise en cause de l’ordre social et de ses aspects injustes.
C’est regrettable que l’État n’insiste pas assez là-dessus. Il ne suffit pas de fermer les yeux sur ces différences de préoccupations politico-sociales pour qu’elles disparaissent. Ainsi, laisser libre cours à une représentation biaisée ne fait que perdurer les injustices sociales dans la mesure où l’accumulation du pouvoir (politique, social et aussi économique) s’accentuerait dans les mains de ses détenteurs traditionnels, au détriment des autres. L’équité voudrait que l’on contrôle toutes ses configurations qui semblent spontanées, mais qui en réalité n’émanent que des fondations inégalitaires de notre société. La question des castes est d’autant plus pertinente dans ce contexte que ces dernières sont encore régies par des barrières sociales qui s’opposent fortement à la circulation des « gains » en vue. Il n’y a en réalité rien de prévu par la société actuelle pour faire circuler un bien ou un pouvoir d’une caste à une autre. Le mariage qui devait le permettre est, je le rappelle, proscrit, en règle générale, entre des castes assignées à des rangs différents. Or l’élection, en dehors des qualités personnelles de l’élu et de sa hauteur politique, est aussi une voie d’acquisition d’un pouvoir et, pour beaucoup, d’un bien et de quelques privilèges diplomatiques et d’autres dispositions liées à la fonction. Il s’agit là d’une armée d’outils allant donc du financier jusqu’au prestige social en passant par des moyens d’actions politiques directes. La représentativité est de rigueur.
Difficile de parler de Sélibaby sans se référer à Bambaradougou, désormais au coeur de la ville tel un noyau. C’est aussi l’une des rares fortes concentrations de populations, organisées et structurées, voire homogènes sur un territoire historiquement acquis et conquis au niveau de Sélibaby.
Aujourd’hui, Bambaradougou, fait incontestablement office du plus vieux quartier de la ville de Sélibaby. Vieux, par son attachement à son architecture traditionnelle – des maisons faites de matériaux locaux, l’argile et les excréments de vaches ou d’ânes pétrifiés – servant de ciment pour rendre les briques et les bâtiments imperméables et résistants face aux intempéries: la région était/ est particulièrement pluvieuse.
L’autre charme de ces constructions en banco, c’est sans conteste, l’emboîtement des habitations.
On a l’impression que le village est une seule famille, une concession commune tellement, les maisons s’entremêlent et s’enchevêtrent, les unes les autres. Si bien qu’en visitant le quartier, on se croirait dans un labyrinthe sans fin à cause des ruelles étroites et sinueuses qui vous emmènent vers l’inconnu.
Le visiteur étranger s’y perd facilement. Le suspens est tel que, de la rue vous pouvez brusquement, vous retrouver dans une maison, dans une cour et même dans un bâtiment.
Vieux quartier, également de part son organisation sociale traditionnelle. D’ailleurs, ses habitants, eux-mêmes, préfèrent parler de village, dans un centre urbain pour marquer, la structuration et l’organisation sociales, et communautaires qui lui sont propres, son charme et son identité propre depuis des lustres.
Cette occupation spatiale répondait au défi de la solidarité, l’arme fatale de la communauté, unie pour le meilleur et pour le pire. C’était également, une stratégie de guerre, un « village guêpier », un véritable traquenard pour contenir et contrer d’éventuels assauts des assaillants.
Jusqu’à une époque récente, et dans une moindre mesure, aujourd’hui l’évocation du nom du quartier est/ était indissociable de la résistance, du courage, du refus de la domination et de l’humiliation. Les habitants de ce quartier légendaire étaient réputés pour leur abnégation au travail, les travaux champêtres en l’occurrence, et étaient éleveurs de manière occasionnelle.
Une stature qui leur avait valu respect et considération, si non crainte ou méfiance du fait qu’ils avaient su être indépendants et autonomes, par le travail mais surtout une organisation sociale de type communautaire impressionnante, dont les piliers étaient » tous ensemble » .
Bambaradougou, c’est imposé comme le quartier rebelle dans la conscience collective, une espèce de zone interdite pour ceux qui n’y habitent pas. Même le colonisateur évitait de s’y aventurer tellement, ses habitants étaient des hommes et des femmes durs à cuire et solidaires à toute épreuve.
Ce quartier est un véritable musée, un trésor patrimonial malheureusement peu connu, faute d’une politique cohérente de promotion culturelle, soucieuse de ratisser large pour une meilleure représentativité, en vue de revitaliser, de répertorier tout le patrimoine culturel national à la hauteur de notre diversité culturelle.
Le quartier a résisté autant que faire se peut aux vents de modernisation tous azimuts, en conservant difficilement l’âme et le génie du quartier : les vieux bâtiments au style architectural d’antan, le charme de son aménagement de l’espace communautaire, soit le témoignage d’un passé enchanteresse, et d’une vie austère et laborieuse à la fois. Un village historique non reproductibles à l’identique où l’esthétique, le sacré et le profane s’expriment au bout de chaque ruelle.
La mosquée du village, récemment rénovée, aux frais des habitants, et son mirador qui servait de lieu de rencontres des sages, de prise de décisions importantes dans la vie de la communauté ou encore de tribunal populaire pour rendre des décisions de justice, sont autant de symboles de nature à rendre éligible, ce village au statut de site historique.
Ce lieu emblématique, de pouvoir et de culte était le cadre approprié pour régler les différends, et les autorités traditionnelles avaient obtenu l’aval de l’administration coloniale pour jouer ce rôle d’auxiliaire de justice. Certainement, une manière de désengorger les tribunaux.
C’est également dans ce quartier où se trouve l’Ecole I de Sélibaby, une institution qui a formé les premiers cadres de la région, et dont les premiers bâtiments, même réhabilités, donc quelque peu travestis, faute de professionnels de restauration de ce type d’ouvrage racontent à bien des égards le passage du colonisateur.
On raconte que pour la construction de cet établissement, les hommes ont été astreints à des travaux forcés. Pour ce faire, les infortunés étaient réduits à porter de grosses pierres de 40 à 50 kilos nécessaires à la construction sur la tête depuis plusieurs kilomètres.
Et, non loin de là s’élève au ciel, le Silo, la Tour Eiffel de la capitale du Guidimakha, un autre vestige colonial qui servait de magasin, où étaient stockés les céréales et les produits forestiers non ligneux, spécifiques au climat de cette zone géographique.
Un peu plus bas, au nord c’est le cimetière colonial, dans le quartier de la justice, des tombes désormais complètement englouties par les nouvelles construction.
A l’ouest du quartier, c’est le pont colonial construit sur le marigot mythique, chargé d’histoires dont les eaux viennent de « Goursi « , de « Bafoullabé » et d’ailleurs pour se croiser à quelques mètres, seulement de la colline majestueuse, autrefois lieu de sacrifices pour implorer la clémence du ciel, ce mont veille sur le quartier et ses cimetières.
Ce puissant cours d’eau aux torrents tumultueux, violents et capricieux pendant la saison des pluies isolait le quartier et même la ville de Sélibaby notamment dans son flanc sud : la route de Bakel. Le colonisateur y a construit un pont, » le pont de collège » fait de pierres, de fer et de béton, l’infrastructure est l’un des symbole du projet colonial, notamment dans sa mission d’ouvrir des voies de communication pour assurer l’acheminement de nos richesses pillées, volées, ou encore issues des travaux forcés vers, un port ou un fleuve en vue de leur transport par bâteau vers la métropole. Le fleuve Sénégal est à seulement 45 km de Sélibaby et le pont est bien construit sur cet axe.
Cette infrastructure, aujourd’hui délabrée est toujours praticable, et sert encore de passage obligatoire pendant la saison des pluies pour se rendre au quartier collège, né dans les années 80 à la faveur de l’extension de la ville de Sélibaby.
Dans ce répertoire, je n’oublie pas les traditions( chants et danses) qui caractérisent les cérémonies de mariage et autres manifestations populaires…
Au cœur de la capitale française, dans les bâtiments de la mairie du 6ème arrondissement, s’est tenu le Salon du livre Africain de l’édition 2023. Et c’était du 17 au 19 mars, un événement livresque important consacré à la littérature afro-africaine.
Ce dimanche 19 mars, nous avons été de passage comme apprenti « philoso-littéraire » en visitant plusieurs stands d’auteurs et d’éditeurs qui exposent dans différentes salles très spacieuses. Une affiche de l’événement annonce que la Guinée Conakry est le Pays invité d’honneur de cette édition.
À noter la présence remarquée de l’influent universitaire et penseur sénégalais Souleymane Bachir Diagne. Nous avons eu la chance d’assister dans le public à 2 rencontres en salle avec ses brillantes contributions. L’une lors de la Conversation autour du Contrat Racial du philosophe Charles W. Mills . Le commentaire de M Diagne en live sur cet ouvrage, suivi de la prise de parole de l’éditeur Haïtien-canadien , a été une belle découverte pour moi, et je l’ai acheté dans la foulée. La seconde rencontre a été une mini conférence de haute volée intellectuelle qui est titrée « La philosophie en toutes lettres« . Les auteurs qui ont pris part aux discussions sont en plus de Souleymane B Diagne, Jean-Luc Aka-Evy et Daniel Dauvois. Ce dernier est l’auteur d’un ouvrage sur une figure intellectuelle du 18ème siècle très peu connue comme a été relevé dans les discussions à son propos. Il s’agit de Anton Wilhelm AMO (Africain originaire de l’actuel Ghana et devenu allemand) professeur d’université à son époque. Arrivé en Europe adolescent par les griffes de l’esclavage, bénéficiant d’un cadre intellectuel aisé, il serait le premier africain ayant fait des études supérieures à ce niveau en europe occidentale et accèda au corps professoral par la suite.
Biram Dah Abeid, député et plusieurs fois candidat à la présidentielle, et deux experts livrent un brillant plaidoyer en faveur de l’officialisation et l’enseignement des langues nationales. En Mauritanie, les langues nationales sont le peul, le soninké et le wolof. L’arabe est la langue officielle du pays.
Le débat sur la nécessité d’introduire les langues nationales dans le système éducatif se poursuit. En juillet 2022, l’Assemblée nationale de Mauritanie a adopté une nouvelle loi introduisant les langues nationales dans l’enseignement primaire, en imposant l’enseignement de l’arabe aux non Arabes et au moins une langue nationale aux locuteurs arabes.
Biram Dah Abeid, député, opposant, plusieurs fois candidat malheureux à la présidentielle, insiste sur l’importance vitale de la langue et de la culture qui déterminent la personnalité d’un peuple. Il rappelle que l’officialisation et l’enseignement des langues nationales représentent une vieille revendication, toujours actuelle, qui figure dans son programme.
Abdallah Mohamed, linguiste, lie le retard de l’Afrique au non usage des langues nationales dans l’enseignement, et fait les éloges du multilinguisme.
Yero Sylla, expert ayant servi à l’Institut des Langues Nationales pendant une vingtaine d’années, souligne l’importance de la formation de base dans la langue de naissance, toujours déterminante dans la qualité de la suite du cursus scolaire et universitaire.
Le proverbe tunisien dit. « Allez, embrasse ton frère, et ce sera comme si rien ne s’était passé. »
M. Le président, J’ai vécu des jours très difficiles suite à votre déclaration du 21 févier 2023 autour de la présence des migrants d’Afrique Subsaharienne. Un discours d’une telle violence, venant de la plus haute autorité du pays, m’a profondément heurtée en tant que Citoyenne noire qui ai toujours subi le racisme dans mon pays, qui y ai résisté et qui l’ai dénoncé haut et fort. Aujourd’hui les migrants Subsahariens noirs ont réussi à dévoiler cette réalité toujours occultée. Et je leur dis MERCI. Votre discours a permis à ceux qui avaient des dispositions à la xénophobie et au racisme de les cultiver et de les traduire en actes, se permettant de lyncher, insulter et tabasser des migrants Subsahariens noirs, publiquement et sans aucune gêne. Les nombreux mouvements de contestation qui se sont opposés à votre discours et qui représentent l’opinion de nombreux Tunisiens vous ont contraint à prendre finalement des mesures en faveur des étudiants et migrants subsahariens en Tunisie. C’est un grand pas vers la paix sociale, la sagesse et la diplomatie MAIS
Monsieur le Président, tout d’abord, l’atteinte à la dignité et à l’humanité des Africains subsahariens a occasionné une profonde blessure. En effet, c’est l’institution législative tunisienne qui a promulgué des décrets qui punissent les propriétaires de logements loués à des migrants sans papiers ainsi que leurs employeurs. En conséquence ces personnes se sont retrouvées du jour au lendemain à la rue, alors que certaines ont des enfants, sont enceintes, malades ou encore fragiles psychologiquement…
Les atteintes des institutions aux droits des migrants ne se sont pas limitées à ces mesures visant à les expulser de leurs lieux de travail et à les laisser sans ressources. Un des départements du ministère des Transports, une institution nationale, a affiché un communiqué avec un tampon officiel interdisant aux agents de vendre des titres de transport aux migrants subsahariens ; en témoigne une photo prise dans une station de métro. Il s’agit d’une privation d’un des droits les plus élémentaires, SE DEPLACER. Et la liste est encore longue… Par ailleurs, des bénévoles qui se sont mobilisés pour venir en aide aux personnes renvoyées et rejetées ont été arrêtés par la police pour avoir participé à des campagnes d’aide humanitaire – livraisons de denrées de base, vitales, à savoir de la nourriture, des médicaments et de l’eau. Ils ont même été accusés de trahison par les adeptes du parti nationaliste Tunisien. S’agit-il de racisme institutionnel ? Bien évidemment, OUI. Et si ce n’est pas du racisme, qu’on nous donne une meilleure caractérisation ! Les migrants noirs, après votre déclaration, Monsieur le président, ont été battus, blessés et insultés ; certains d’entre eux se sont fait cambrioler leurs lieux d’habitat, voler leur argent durement gagné pour quitter notre pays, car nous savons bien que beaucoup d’entre eux souhaiteraient continuer vers l’Europe et ne pas rester sur le territoire Tunisien.
Monsieur le Président, tout simplement, les migrants subsahariens ont été touchés dans leur corps et leur dignité. On les a humiliés et intimidés, ils ont subi le sentiment d’être étrangers sur leur continent, comme ce sentiment est violent ! C’est à cause de nous, Tunisiens, combien j’ai honte ! Ce peuple Tunisien qui a appelé haut et fort lors de sa révolution contre la dictature et l’injustice à « la liberté, la justice, la dignité ». Comment peut-on réclamer notre liberté, la justice et notre dignité et en priver les autres ? Une partie du peuple tunisien, ce peuple connu pour sa générosité et son accueil, qui appelle au vivre ensemble, s’est rendue responsable des actes que j’ai cités plus haut : s’ils n’ont pas toujours commis directement des actes physiques et proféré des injures verbales envers les migrants, leurs écrits et les vidéos qu’ils ont publiées ont incité à la haine, à la xénophobie et au racisme contre nos frères et sœurs Africains subsahariens, je pense notamment au Parti nationaliste Tunisien.
Ce mal n’a pas seulement affecté les immigrés de l’Afrique subsaharienne, mais aussi le peuple tunisien dans son ensemble, et plus particulièrement les Tunisiens noirs qui sont nombreux à avoir été arrêtés dans le cadre de contrôles au faciès. Des conducteurs de taxis se sont permis de prendre le rôle de la police en demandant leurs pièces d’identité. Nous Tunisiens noirs, particulièrement à Tunis, la capitale, avons dû prouver que nous sommes Tunisiens parce que nous ne ressemblons pas à une « structure démographique » nationale fantasmée, me semble-il.
Une mauvaise image du peuple tunisien a fait le tour du monde ces derniers temps ; notre peuple a été qualifié de raciste et de barbare, et nous nous sommes retrouvés face à des situations dans lesquelles nous nous trouvions sur la défensive, à devoir justifier que la Tunisie n’est pas raciste, ou du moins qu’elle n’est pas raciste à ce point. Et ceci, même si nous connaissons très bien la réalité et si, en tant que Tunisiens noirs, nous avons toujours témoigné de ce racisme, ce que nous pourrions toujours argumenter. Je me demande, M. le président, si la démarche que vous avez entamée pourrait être en mesure de réparer ce que ces actes et ces propos ont gâché ! Personnellement, je l’espère. Mais il n’est pas possible de passer à ces mesures en faveur des immigrés d’Afrique subsaharienne sans avoir réalisé au préalable deux actes indispensables pour entamer un vrai processus de réparation.
Tout d’abord, s’excuser officiellement auprès du peuple tunisien pour avoir provoqué de telles agressions sur nos hôtes, qui ont affecté son image et sa réputation auprès des sociétés d’Afrique Subsaharienne et un peu partout dans le monde. S’excuser en particulier auprès des Tunisiens Noirs, dont l’appartenance nationale et la tunisianité ont été remises en question. Bien évidemment, nous demandons également des excuses solennelles aux migrants subsahariens et à leurs concitoyens qui ont aussi mal vécu cet épisode. Deuxièmement, dissoudre le Parti nationaliste tunisien qui a été à l’origine de la crise, en raison de la mobilisation qu’il a menée depuis plus de quatre ans, en portant un discours raciste, xénophobe, d’incitation à la haine et en influençant, avec un certain succès, l’opinion publique. Ce parti politique basé sur une idéologie raciste, qui diffuse des idées xénophobes, racistes et une idéologie fasciste Inédite dans l’histoire de la Tunisie et de son peuple ouvert, aimable et instruit, ne devrait pas exister dans notre Tunisie. Vive la République Tunisienne civilisée et humaine, vive le peule tunisien libre et digne ! Vive le continent Africain ! Merci.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.