● Mot du Blog | Après le visionnage d’un épisode du film en pré-montage de Michael Hoare sur une phase tumultueuse de la vie politique mauritanienne.



Un événement organisé à Paris ce samedi 29 octobre 2022, par l’association Avenir vivable http://www.avenirvivable.ouvaton.org/. Au sein de la Halle Saint Pierre dans le 18ème arrondissement à quelques pas du touristique Sacré Cœur.

Avant la projection, un fils de monsieur Hoare nous a servis une brève présentation de 3 artistes peintres mauritaniens . Il s’agit d’Amy Sow, d’Oumar Ball et de Saleh Lo. Il a annoncé un chiffrage donnant que la Mauritanie compterait autour de 100 artistes peintres et que le domaine n’est pas assez valorisé.



L’épisode du film retrace une partie tumultueuse de l’historique politique mauritanien. Le réalisateur précise que d’autres épisodes ont été diffusés et en accès libre via sa plateforme YouTube https://youtube.com/user/HoareMichael. Et d’autres vont suivre prochainement.

Le titre de l’épisode du jour est « Des années 70 à la rédaction du Manifeste du Négro-mauritanien opprimé » devant le public d’une vingtaine de spectateurs, il retrace un pan de l’historique politique mauritanien. Archives télévisuelles et des témoignages d’acteurs de l’époque, le film est très instructif et donne un aperçu fouillé sur cette période politique tumultueuse dont les répercussions restent marquantes dans les enjeux tendus d’aujourd’hui. Notamment ceux qui sont liés à la problématique de la cohabitation entre communautés ethno-raciales en Mauritanie. La question sur l’identité du pays a surgi dès sa naissance, et j’ose remarquer qu’il n’a pas eu de baptême consensuel pour la jeune personnalité « Mauritanie ». Son premier président feu Moktar Ould Daddah opta pour un forcing unilatéral vers l’arabité au profit de son ensemble ethno-racial d’origine (arabo-berbère). En face l’ensemble negro-africain (hors haratines) se sentant piégé par un processus d’arabisation de la personnalité politique et culturelle « Mauritanie », a réagi avec de groupes contestataires qui émergent contre l’ordre étatique en déséquilibre progressif entre les 2 ensembles. Ainsi on notera l’affaire des dix-neuf du Manifeste de 1966, par la suite la composition clandestine des Flam (Forces de libération africaines de Mauritanie) en 1983. En 1986, le Manifeste du Négro-mauritanien opprimé est sorti et non signé selon les propos de monsieur Ibrahima Abou Sall (co-rédacteur du Manifeste). Intervenant principal dans le film, monsieur Sall était présent physiquement dans la salle et ses réponses et explications ont été édifiantes avec quelques détails poussés. D’ailleurs j’ai des regrets de n’avoir pas filmé son intervention après le visionnage du film. Dans le documentaire, j’ai observé une analyse clinicienne dans certains propos du Chercheur mauritanien Abdel Wedoud Ould Cheikh. En substance dans un propros, il laissait entendre qu’à la genèse de cette Mauritanie au départ, il y’a eu affrontement pour le pouvoir (sources de richesses et de puissance) entre les milieux élitistes et lettrés issus des aristocraties ethno-raciales de deux ensembles (arabo-berbère et negro-africain).

À titre informatif, on apprend que le Manifeste d’avril 1986 est composé de 46 pages et a été traduit en arabe et en langue pulaar. Monsieur Sall, secrétaire des Flam au premier congrès (13-14 mars 1983) assure qu’ils ne trouvaient pas de traducteurs sooninké et Olof en qui ils ont confiance vu la situation de clandestinité de la mission.

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● Ces Africains, étrangers chez eux | Par Tierno Monénembo

Dans le discours controversé qu’il a prononcé du haut de la tribune des Nations-Unies le 24 Septembre dernier, le Premier Ministre Malien par intérim, Monsieur Abdoulaye Maïga, a qualifié d’étranger, le président du Niger, Monsieur Bazoum, faisant sans doute allusion aux origines arabes de celui-ci. Cette malheureuse sortie nous pousse à émettre deux remarques. De même qu’un ministre français-surtout celui des affaires étrangères- n’a pas à décerner un certificat de légitimité à un gouvernement malien, un Premier Ministre malien n’a pas à décréter qui est Nigérien et qui ne l’est pas (il a autre chose à faire surtout par les temps qui courent !). D’autre part, en ce moment crucial où, accablée de misère et de crises de toutes sortes, l’Afrique cherche confusément l’union salvatrice, ce propos xénophobe sonnent comme une hérésie dans la bouche d’un homme d’Etat de cette envergure, surtout dans cet espace soudano-sahélien, où depuis toujours, le brassage a été la règle.

Les puissants empires et royaumes qui s’y sont succédé et le génie assimilateur de l’Islam y ont largement favorisé le mélange des langues, des ethnies et des races. En tout état de cause, les Peuls, les Mandingues, les Songhaïs et les Arabes ne sont étrangers nulle part dans cette portion du continent : pas un recoin qu’ils n’aient foulé ; pas une ethnie à laquelle ils n’aient mêlé leur sang !

C’est le moment ou jamais de tordre le cou à cette idée reçue selon laquelle il existerait une Afrique Noire et une Afrique Blanche. Le Sahara n’a jamais été une frontière, une barrière infranchissable. C’est un placenta civilisationnel. Noirs et Sémitiques ont toujours vécu ensemble que ce soit au bord du Nil ou au cœur du Sahara. Ils ont peuplé l’Egypte Ancienne où leur brassage a donné ce que les contemporains des pharaons ont appelé la race intermédiaire. Entendez, les Ethiopiens, les Somaliens, les Soudanais, les Toubous, les Peuls, les Touaregs et même une bonne partie des Mandingues.

Le Premier Ministre Maïga sait qu’il y a des Arabes dans son pays, le Mali, surtout à Tombouctou, ville dont il est probablement originaire. Il en existe en Mauritanie, au Niger, au Tchad, même au nord du Cameroun. Si on y ajoute les diasporas libanaises, l’Arabe devient aussi commun que la plus autochtone de nos ethnies. Quant au Maghreb, cette fausse Afrique Blanche, que l’on me montre donc un seul bled qui n’a pas ses Noirs ! Les Noirs et les Arabo-berbères ne sont pas étrangers les uns aux autres en dépit des vicissitudes de l’Histoire.

Le panafricanisme doit commencer à la maison. Si nous cultivons la tolérance ethnique, raciale et religieuse dans nos familles et dans nos villages, l’unité africaine se fera d’elle-même. Regardons autour de nous : le maire d’Amsterdam est un Marocain d’origine, celui de Londres, un Pakistanais. Le nouveau Premier Ministre britannique est un Indien. Il y a quelques jours, le ministre des Finances du roi Charles III était un Ghanéen. Et nous, nous en sommes encore à nous demander si le Dioula de Côte d’Ivoire est ivoirien, si le Peul de Guinée est Guinéen, si l’Arabe du Niger est Nigérien, si le Bamiléké du Cameroun est camerounais, si le Soninké de Mauritanie est mauritanien, si le Noir de Tunisie est tunisien…

Triste Afrique !

Tierno Monénembo

Source : Le Point

©️ Repris via https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10159207596210544&id=731995543