
Le député et président de l’Initiative pour la Résurgence d’un Mouvement Abolitionniste en Mauritanie (IRA), Biram Dah Abeid, a organisé, ce lundi 13 juin 2022, au siège central de l’ONG anti-esclavagiste, une conférence de presse dans laquelle il a abordé trois points essentiels, considérés par lui comme les véritables « problèmes » de la Mauritanie : une démocratie « prise en otage » depuis son soi-disant avènement, suite au fameux Discours de la Baule de François Mitterrand (20 juin 1990), une corruption (gabegie) endémique et une unité nationale toujours « en danger de mort ».
Mélangeant critiques acerbes d’un système qui refuse de mourir et éloges d’un président qui a eu le mérite de s’ouvrir à l’opposition, en mettant fin à une pratique dévoyée de la démocratie (avec moi ou contre moi) fortement exacerbée par Aziz durant la décennie 2009-2019, Biram Dah Abeid, rappelle ses positions de principes à ceux qui croient, à tort ou à raison, qu’il a dévié du chemin qu’il s’était tracé en se lançant d’abord dans le combat des droits de l’homme puis dans la mare de la politique. « Je n’ai jamais affirmé que tout est bien dans le meilleur des mondes possibles, sous Ghazouani, mais j’ai dit, et je le répète, qu’il a le mérite d’avoir levé l’embargo qui pesait sur les libertés publiques », a dit en essence le président d’IRA. Oui, au niveau des libertés, il n’y a pas de comparaison possible entre la décennie d’Aziz et ces trois premières années du pouvoir de Ghazouani, même s’il y a, quelque part, des formes de « résistance », à ce changement notoire de la part de clans politiques voulant maintenir le statu quo ante et d’une administration aux réflexes grégaires, poursuit l’ancien candidat à la présidentielle arrivé deux fois second, en 2014 et en 2019, ce qui lui donne la force morale de s’afficher comme le vrai leader de l’opposition.
En ce qui concerne la corruption, BDA n’y va pas avec le dos de la cuiller. « La gabegie est en train de faire école et pousse à choisir les voies détournées pour arriver sans effort, à ce que d’autres ont obtenu. Aussi, les jeunes, choqués par ce qu’ils voient comme rabaissement du savoir et « considération » accordée à ceux qui réussissent par le vol, la corruption et la triche, cèdent au découragement. Les Mauritaniens gagneraient à comprendre que la corruption (gabegie) est le Mal et que rien ne peut marcher tant que l’Etat n’a pas réussi à en limiter considérablement les effets, à défaut d’y mettre un terme. Déplaçant le curseur de l’appréciation de la question des libertés vers celui de la gabegie, Biram Dah Abeid dira qu’en voyant ce qui se passe actuellement, on a l’impression que rien n’a vraiment changé, « parce que le système (celui qui soutenait Aziz et réclamait pour lui un troisième mandat) est encore là, faisant la pluie et le beau temps pendant ces trois premières années de quinquennat de Ghazouani mais risquant, également, de jeter sur lui le même opprobre que celui qui poursuit aujourd’hui son prédécesseur, glorifié durant une décennie mais voué aux gémonies aussitôt « dégagé » du pouvoir ! Il s’agit là d’une « corruption morale » qui fait autant de dégâts que la corruption ayant mis à terre l’économie du pays, dira le président de l’ONG IRA.
Abordant le troisième point, celui de l’Unité nationale et de la cohésion sociale, BDA, dira qu’il n’est pas contre la criminalisation du discours de haine mais dénonce de vive voix la « politique des deux poids, deux mesures. »
« L’application de cette loi ne doit pas revêtir un caractère ségrégationniste, comme on le voit actuellement dans le traitement que le ministère des Affaires islamiques réserve aux imams et muezzins Hratin qui ne sont pas logés à la même enseigne que leurs collègues maures », dira Biram Dah Abeid
En ce qui concerne le dialogue (ou concertation), le président d’IRA réfute les accusations faisant porter à l’opposition la responsabilité de son échec. « Ce sont ceux qui ont investit dans la crise, qui vivent de la tension entre le pouvoir et l’opposition qui ont un intérêt certain à ramener Ghazouani à la case départ », laisse-t-il entendre. Ainsi la crise est une situation qui fait vivre ses hommes au sein de la majorité qui la considère comme une « marchandise ».
Répondant à une question relative à la reconnaissance du parti RAG, BDA révèle une récente rencontre entre le ministre de l’Intérieur, Mohamed Lemine Ould Mohamed Ahmed, et le président de cette formation en quête de récépissé, l’ancien ministre Oumar Ould Yali, et estime que l’espoir est permis. Il s’agit, en dehors de la reconnaissance de notre formation, de mettre de l’ordre dans une véritable pagaille politique suscitée par Aziz quand il a ouvert la porte à des partis qui n’existent que de nom et servaient à des manipulations de toutes sortes, comme, par exemple, servir de tremplin à des candidats du pouvoir n’ayant pas pu se présenter à partir de l’UPR.
Se prononçant sur le « dossier de la décennie », BDA dira que l’inculpation d’autrui ne le réjouit aucunement. « Que tous soient libérés, s’ils sont innocents ; je ne suis l’ennemi de personne mais seulement le concurrent honnête de ceux qui ont des programmes politiques susceptibles de les porter au pouvoir », conclut le président d’IRA.
©️ crédit source : http://courrierdunord.com/node/5155