Editorial : Birame dans le collimateur de l’intelligentsia négro-mauritanienne | Par Bakari Gueye (Initiatives News)

L’honorable député Birame Dah Abeid, président du mouvement IRA et porte-étendard de la lutte anti-esclavagiste en Mauritanie continue à s’attirer les foudres non seulement de certains milieux du pouvoir qui voient d’un mauvais œil son rapprochement avec le président Ghazouani mais aussi et paradoxalement de certains cercles féodaux négro-africains qui assistent impuissants au ralliement massif de certains des leurs à cette icône.

En effet Birame défend exactement les mêmes causes que ses frères négros-mauritaniens et il le fait d’ailleurs beaucoup mieux avec le style efficace qu’on lui connait : Crier haro sur les injustices pour faire bouger les lignes. Et sur ce plan, contrairement à ses prétendus adversaires a toujours posé des actes concrets.

On peut citer entre autres en Mai 2011 l’audacieuse marche de IRA sur INAL pour commémorer l’exécution barbare de 28 militaires négros mauritaniens le 28 novembre 1990.

Des actes similaires ont été régulièrement posés par le président du mouvement IRA ça et là dans la vallée, à Sori Malé, à Wothi…

L’homme s’est toujours dressé contre l’expropriation des terres de la vallée mais aussi pour le passif humanitaire.

A l’Assemblée Nationale il a défendu avec bec et ongles la nécessité de mettre fin au génocide biométrique et d’enrôler les populations de la vallée.

Il y a quelques jours, Birame qui séjourne actuellement à Dakar a rendu visite à la famille de feu Aljouma CISSOKHO décédé le 1er Février dernier à Matam. Cet ex cadre du ministère de la pêche fut le président de l’association des réfugiés mauritaniens au Sénégal et son porte-parole.

Dans la foulée le leader du mouvement abolitionniste a eu droit à un vibrant hommage prononcé au siège de l’ONG Jamra par Mr Makhtar Bamba Guèye, membre du Bureau Exécutif de cette honorable organisation sénégalaise.

Pourquoi alors pourrait-on se demander avec un bilan aussi reluisant en faveur des négro-mauritaniens, ces derniers ou du moins certains d’entre eux lui en veulent et lui font la guerre à travers notamment de violentes campagnes de lynchage médiatique orchestrées sur les réseaux sociaux.

Comment peut-on expliquer ce paradoxe car les Haratines et les Négros mauritaniens mènent le même combat et auraient dû le faire main dans la main. C’est en effet le chemin le plus court vers la délivrance.

L’inimitié entre ces deux communautés remonte aux événements de 1989 lorsque le pouvoir de Moawiya avait joué la carte Haratines contre négro-mauritaniens. Et depuis cette date le torchon brûle et les pouvoirs successifs se sont évertués à jouer cette carte comme on l’a vu récemment avec la crise des terres à Ferrala dans le département de Mbagne.

Tout est savamment mis en œuvre pour éviter toute jonction entre Haratines et Négro-mauritaniens.

Et sur ce plan également c’est Birame Dah Abeid qui a su franchir le Rubicon malgré les conseils en coulisses du pouvoir déchu.

C’est ainsi que le mouvement IRA regroupe en son sein des éléments de toutes les communautés y compris dans sa direction qui a été très souvent noyauté par des taupes à la solde du pouvoir ou de ses acolytes.

Et c’est tout le contraire au sein des partis négro-mauritaniens qui virent tous au monolithisme ethnique.

Ces partis auront tout à gagner en coordonnant leurs actions avec l’étoile montante de la classe politique mauritanienne Birame Dah Abeid classé 2ème lors de la dernière élection présidentielle damant ainsi le pion à des candidats soutenus chacun par d’importantes coalitions de partis et d’initiatives.

Le président du mouvement IRA en voie de légalisation avec le parti RAG devient ainsi un jocker incontournable de la scène politique nationale, une place gagnée haut la main par une lutte pacifique qui a débordé les frontières nationales et fait aujourd’hui de Birame un leader panafricaniste.

Bakari Guèye

©️ Crédit source : https://initiativesnews.com/editorial-birame-dans-le-collimateur-de-lintelligentsia-negro-mauritanienne/

Captation d’héritage : le Mufti de la République consacre l’esclavage



Mohamed Baba – Il y a de cela deux semaines, vers le milieu de ce mois béni du Ramadan, une famille de H’ratine (anciens esclaves ou descendants d’esclaves) se présentait devant le Cheikh d’une Mahadra (école coranique) du lieu-dit El Beldou Atteyib (Wilaya du Brakna, sud de la Mauritanie) pour lui demander de liquider l’héritage de leur défunt de père.

Le père, feu Mohamed Ould Hmeydi, a laissé derrière lui une fille, la mère de cette dernière et une coépouse. Il a aussi, comme membres de sa famille proche, deux demi-frères du côté de sa mère. L’héritage consiste en un troupeau de petit ruminants et une modeste somme d’argent.

Le Cheikh de la Mahadra s’excusa de ne pas pouvoir procéder à la répartition de cet héritage mais suggéra aux requérants de s’adresser, pour cette affaire quelque peu compliquée, à l’Imam de la Grande Mosquée de Nouakchott, Ahmedou Ould Habibou Errahmane, surnommé aussi le « Mufti de la République ». Pour les encourager, il leur donna le numéro de téléphone personnel du grand jurisconsulte.

Contacté par téléphone, le Mufti de la République n’hésita pas une seconde avant d’énoncer son verdict, seul d’après lui, conforme à la Chariaa (loi divine) :

1- la moitié (1/2) de l’héritage revient à la fille (unique) ;

2- les deux coépouses se partagent le huitième de l’héritage (1/8);

3- le reste, c’est-à-dire les trois huitièmes (3/8), va aux anciens maîtres du défunt alors que ces derniers l’avaient affranchi de son vivant !

Nous sommes, là, en présence d’une éclatante manifestation de l’ambivalence du système judiciaire en Mauritanie. En effet, la justice en Mauritanie est rendue selon deux types de droits, le droit positif censé appliquer les lois votées par les législateurs et le doit traditionnel rendu par un réseau de jurisconsultes (Cadis) qui appliquent des règles édictées selon leur interprétation, parfois très personnelle, de la Chariaa (loi divine) et charriant des scories de pratiques d’un autre âge. Le droit traditionnel règne, parfois en maître, dans les domaines des affaires familiales et de l’héritage.

L’Imam Habibou Errahmane, auteur de ce verdict, fait autorité au sein du système judiciaire traditionnel. C’est à lui que l’Etat confie, contre grasse rétribution, le prêche hebdomadaire de la prière du vendredi, prêche diffusé sur les antennes de la radio du service publique. C’est derrière lui que se rangent, lors des prières des deux grandes fêtes religieuses de la communauté nationale, Id El Adha et Id El Fitr, le Président de la République et l’ensemble des hautes personnalités de l’Etat.

Sa Fetwa (verdict) est donc tout sauf anodine. Or cette Fetwa consacre, clairement, l’esclavage dans sa forme la plus abjecte. Elle stipule que les biens que l’esclave a acquis (même après avoir été affranchi) sont la propriété de son maître. L’esclave ne pourrait donc jamais posséder. Par exemple, si feu Mohamed Ould Hmeydi n’avait pas laissé d’héritier, ses biens reviendraient, en totalité, à ses anciens maîtres.

Il se trouve que les magistrats mauritaniens doivent aussi appliquer le droit positif, celui édicté par les législateurs. Il se trouve aussi que le Parlement a voté, le 12 août 2015, une loi hissant l’esclavage et les pratiques esclavagistes au rang de crime contre l’humanité, imprescriptible. Ce crime imprescriptible vient d’être brillamment consacré par le « Mufti de la République », dénomination qui constitue, en elle-même, un oxymore d’une très grande éloquence.

Cette affaire est emblématique de l’ambiguïté de l’Etat mauritanien devant cette question de l’esclavage, des pratiques esclavagistes et de leurs séquelles.

L’Etat doit faire respecter les lois, punir les coupables, donner l’exemple et sortir du déni. Les autorités religieuses doivent être mises à contribution pour faire évoluer les mentalités dans la bonne direction, celle de l’émancipation et surtout celle qui aide à débarrasser l’Islam des interprétations qui défigurent son image et le présentent comme une religion qui justifie ou légalise l’esclavage.

Mohamed Baba
Le 12 mai 2021

©️ Crédit source : https://cridem.org/C_Info.php?article=745013