Mauritanie  – Politique : Le député BDA reçu par le président mauritanien Ghazouani.

Ce Vendredi 28 août 2020 aux environs de 18H30 GMT, le député mauritanien Biram Dah Abeid, leader du mouvement anti-esclavagiste IRA (Initiative pour la Résurgence Abolitionniste) a tenu un point de presse à Nouakchot. L’objet de ce rendez-vous médiatique concernait la suite de sa rencontre du jour avec le président Ghazouani . Ci-après le compte-rendu d’audience distribué aux médias et à l’opinion publique :

Crédit photo: SD

Compte rendu d’audience


À l’usage de la presse

Le Président de la république, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, a bien voulu me recevoir, le 28 août 2020. Nous avons pu discuter de la situation générale du pays. Il m’a prêté toute son attention et consacré le temps nécessaire à l’échange, franc, entre le Chef de l’Etat et un citoyen, représentatif d’une partie de l’opinion. Je tiens, ici, à le remercier de sa courtoisie habituelle et de ses facultés d’écoute.
Parmi les sujets abordés ensemble, je mentionne la reconnaissance de partis et d’associations jusqu’ici interdits, les suites de la Commission d’enquête parlementaire (Cep), l’implication de la justice et du pouvoir exécutif dans l’éradication de la mauvaise gouvernance et de l’impunité de celle-ci. Les assurances du Président attestent qu’il n’y aura ni règlement de compte, ni complaisance ; ainsi, confirment-elles, ses propos antérieurs sur la séparation des pouvoirs, que la Constitution consacre. J’apporte mon soutien, avec vigilance, à cette orientation inédite dans l’histoire de la Mauritanie, depuis le renversement du régime civil en 1978. Je rappelle que la profondeur de la corruption et sa banalité requièrent, dès à présent, une tolérance zéro et la traque, au sein de la fonction publique, des faux diplômes, du tribalisme et des promotions imméritées. La corruption appauvrit, fait honte et pousse à la révolte. La Mauritanie n’a plus la force de continuer à couvrir les crimes de prédation, quand la majorité de sa population, toutes appartenances confondues, réclame l’Etat de droit, la réparation l’équité et un minimum de dignité matérielle. Le Président de la république m’a semblé résolu à favoriser un nouveau pacte social, sur la base du mérite, de la compétence et de l’égalité des chances, loin des faux diplômes, de la préférence ethnique et de la complaisance. Je lui ai réitéré la certitude de notre concours enthousiaste, sur la voie de la refondation du pays, de ses institutions et lois. Quand le pouvoir tiendra de tels engagements, notre soutien ne lui manquerait. S’il en dévie ou hésite, nous lui rappellerions sa mission, propositions alternatives à l’appui et dans le souci scrupuleux de la non-violence. Le temps, de la confrontation systématique nous paraît révolu car la Mauritanie change , et depuis l’alternance de juin 2019. J’ai la faiblesse de croire que l’espoir, à la réalisation duquel mes compagnons de lutte ont enduré et se sont sacrifiés, est maintenant à la portée. Je leur dis toute ma fierté d’avoir porté leurs revendications légitimes. Aujourd’hui, je rends surtout hommages à mes frères et sœurs, travailleurs de leurs mains, paysans, ouvriers, portefaix et leur promets la victoire sans ressentiment ni revanche.
Je saisis aussi l’occasion de rappeler notre impatience de participer au jeu politique, nos alliés et nous, à visage découvert et dans des cadres autorisés par la loi, d’où la décision, tant attendue, de notre reconnaissance. Nous sommes des mauritaniens à part entière, pas un danger public. Avec nous, la démocratie grandit et avance, d’un pas sûr.
Je tiens à revenir sur certaines de nos revendications auxquelles la plupart des partis restent sourds, sans doute à cause de lacunes ou de réserves idéologiques :

  1. La réforme de l’éducation nationale en vue de généraliser l’enseignement des langues étrangères et nationales, loin du monolinguisme actuel, source de discrimination, de chômage et d’extrémisme religieux ; l’école publique doit redevenir le creuset de l’unité nationale et de l’excellence.
  2. L’abrogation de la loi dite d’amnistie de 1993, qui insulte les victimes innocentes du racisme, empêche la publication de la vérité et désespère, les survivants, de se sentir protégés dans leur pays ;
  3. Une meilleure résolution du Conseil suprême de la magistrature, à sanctionner les personnels de justice quand ils restreignent l’application des normes en matière de pénalisation de l’esclavage et des pratiques associées ;
  4. La sincérité à la répression du trafic de drogue et du blanchiment de ses revenus, au lendemain de la publication d’un rapport des Nations unies qui met en cause un haut fonctionnaire et un député, les deux de nationalité mauritanienne.
  5. L’annulation de l’article 306 du code pénal, car la Mauritanie ne saurait combattre le terrorisme et, simultanément, appliquer le programme juridique de l’extrémisme violent ;
  6. Notre réintégration complète au sein de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), où nombre de nos compatriotes travailleurs expatriés se plaignent de tracasseries et de perte de rendement ; pourquoi s’obstiner et que nous a apporté la sortie en 2000 ?
  7. La signature, par le gouvernement, d’une déclaration spéciale établissant la compétence de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, à recevoir les plaintes d’associations et de particuliers. Plusieurs Etats membres de l’Union, nous ont précédé ;
  8. La ratification du Statut de Rome créant la Cour pénale internationale (Cpi), seule juridiction qui constitue un rempart devant les risques de génocide. Selon quelle rationalité, la Mauritanie, se tient-elle en marge d’une entité, désormais de compétence universelle ?
  9. L’adoption de mesures de sensibilisation et de sanction exemplaire, à l’endroit des auteurs et complices d’abattage d’arbres et de dégâts sur la biodiversité, grâce au renforcement des peines contre les infractions à l’’intégrité du patrimoine naturel ; il y a lieu de tarir le commerce du charbon de bois, par l’investissement massif dans les énergies renouvelables et à la démocratisation de l’accès au gaz butane ;
  10. Redéployer les ambassades en fonction de la densité de nos compatriotes à l’étranger et des intérêts stratégiques du pays ; le même impératif dicte, à la Mauritanie, de n’avoir plus que des amis et d’éviter les aventures de rupture des relations diplomatiques, hors contexte de belligérance directe avec un autre Etat ;
  11. La restauration des symboles – déformés – de la nation, en particulier le drapeau et un hymne évocateur de notre diversité culturelle.

Biram Dah Abeid, député à l’assemblée nationale et président d’IRA-MAURITANIE

(Ira-M)


Nouakchott, le 28 août 2020

La conférence de presse d’Aziz : le grand déballage (Le Calame)

Comme prévu, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a tenu sa conférence de presse entouré d’une poignée de personnes dont les trois ministres ( Isselkou Ould Ahmed Izid Bih, Seyidna Aly Ould Mohamed Khouna et Mohamed Jibril Niang) et du président du parti PUDS redevenu son secrétaire général adjoint.

Prévue pour 21 heures, la conférence, retransmise en direct par les télévisions privées Sahel et de Chinguitt, a commencé avec une bonne quinzaine minutes de retard. Comme attendu, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a commencé par remercier le peuple à qui il a promis d’apporter des éclaircissements sur ce qu’il a appelé la crise actuelle dont l’origine est cette histoire de « référence » qui s’est posée après son retour de l’étranger et sa volonté de rejoindre le parti (UPR) dont il prétend être le fondateur. Selon lui, il a voulu juste procéder à une certaine refondation mais qu’à cause du grabuge qui s’en est suivi, il a préféré quitter le parti et éviter la confrontation vers laquelle certains voulaient le pousser. Parlant de la commission d’enquête parlementaire, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a tout simplement dit qu’il s’agit d’une véritable machination « fabriquée à la main » pour régler des comptes avec lui à travers un machin instrumentalisé en qui il n’a aucune confiance et composé de personnes qui ne jouissent d’aucune crédibilité et qui sont tous impliqués dans des scandales. Selon lui, c’est pour tout cela qu’il n’a pas accepté de coopérer avec cette structure qui en plus, a t-il ajouté, n’est pas habilitée à l’entendre en sa qualité d’ancien président de la république jouissant de l’immunité constitutionnelle. Selon Ould Abdel Aziz, « la commission d’enquête parlementaire est un complot entre l’exécutif et le législatif pour diaboliser l’ancien président de la république » .

Quelques fois, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz ne s’est pas privé d’envoyer quelques piques à son ancien ami de quarante ans devenu président se demandant qu’est qu’est-ce qui a été fait du budget de l’armée pendant dix ans ? Ou pourquoi ne pas commencer par auditer et enquêter sur cette première année de pouvoir au cours de laquelle, selon lui, « rien n’a été réalisé » . Ould Abdel Aziz se permettant même de déclarer que maintenant le kilomètre de goudron est facturé 160 millions d’ouguiyas alors que lorsque lui était président, son prix oscillait entre 85 à 115 millions d’ouguiyas. Dans une digression intéressante, Ould Abdel Aziz est revenu sur la fameuse affaire d’Él Yemeni plus connu sous le nom de Ghanagate qui ne serait, selon lui, qu’une affaire d’escroquerie qu’un bandit irakien nommé Abdou El Yemeni a organisée. Selon Aziz, les 400.000 dollars que l’escroc a restitués appartiendrait à un cousin de l’actuel président de la république Mohamed Ould Cheikh Ghazouani. Sur l’affaire Senoussi, Ould Abdel Aziz a déclaré qu’il n’a été remis qu’après consultation du Haut Conseil Islamique et que l’argent donné en contrepartie qui représente un don du gouvernement libyen à l’État mauritanien est allé dans les caisses de l’État. En réponse à une question maintes fois réitérée sur l’origine de ses biens, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a tout simplement déclaré qu’il ne donnera aucune explication là dessus mais a quand même confirmé que pendant tout le temps passé au pouvoir il n’a jamais touché à une seule ouguiya de son juteux salaire (près de sept millions MRO/mois) qui était entièrement viré dans son compte de la BMCI et que cela pouvait bien avoir servi à sa femme qui en était la dépositaire pour s’acheter des terrains et de construire des maisons. Réagissant aux biens de son beau-fils, Ould Abdel Aziz a expliqué que celui-ci était non seulement fils d’un richissime homme d’affaires mais que lui y était depuis 2003 disant qu’on peut bien devenir subitement riche et donnant l’exemple du président du patronnat Zein El Abidine qui, selon lui, n’avait rien en 2010 et est aujourd’hui un homme extrêmement riche. Comme dans toutes ses conférences de presse, Mohamed Ould Abdel Aziz donnait la parole aux journalistes, la reprenait selon que la question lui convenait ou pas se permettant même sur un ton tantôt insolent tantôt méprisant de donner quelques directives et suggestions souvent déplacées.

Dans certaines de ses réponses, il ne se privait pas de faire constater le recul des libertés fondamentales et de la démocratie. Selon lui, il était très impatient de quitter le pouvoir et cette histoire que les généraux l’auraient obligé à renoncer à un troisième mandat est totalement infondée puisque dit – il » personne ne pouvait parler « . Ould Abdel Aziz a déclaré qu’il va se défendre contre la diabolisation et les attaques dont il est l’objet. Et qu’il fera la politique même s’il n’est encore membre d’aucun parti y compris le PUDS auquel ont adhéré beaucoup de ses proches dont les trois ministres qui lui sont restés fidèles. Durant trois heures, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a parlé de politique, de gabegie, de la commission d’enquête parlementaire, de la suspension du PUDS qu’il a jugée illégale, de ses biens, de ses rapports avec son successeur et ancien ami et a fini en donneur de leçons de morale à ceux qui hier en faisaient un héros national et qui sont devenus aujourd’hui les principaux promoteurs de son envoi à l’échafaud déclarant non sans en rire qu’il disait alors qu’il était encore président à qui voulait le croire: » Une fois que je ne serai plus président, je n’aurais jamais de gens plus « durs » envers moi que ceux-ci » dont certains ont pleuré le jour où il a déclaré qu’il renonce à briguer un troisième mandat. Visiblement, ce n’était que des larmes de crocodile.

Synthèse Sneiba

Le calame

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