
Partie 2/2 : Les dessous philosophiques de la mondialisation actuelle qui expliquent pourquoi l’islam est incontournable pour l’avenir du monde.
Poussons plus loin encore la réflexion sur les dessous philosophique de la mondialisation.
Cette encapsulation ou emprisonnement de l’être humain dans sa dimension naturelle et dans les lois de la nécessité, de la concurrence et de la sélection/élection naturelle, sera philosophiquement théorisé par la pensée spinozienne et hégélienne, cette dernière opérant un retour, voire une régression (à notre avis) vis-à-vis des acquis de la modernité et de la pensée, notamment avec Emmanuel Kant, et la distinction qu’il établi entre les phénomènes (ce qui appartient au champ de l’expérience et de la science) et les noumènes (ce qui ne peut faire l’objet d’expérience mais que la raison accepte et pense) qui transcendent les premiers.
C’est cette distinction qui permet le dépassement de la nécessité naturelle et l’existence de la dimension supérieure spirituelle, de la liberté et de la créativité, et que Ghazali nommera « le stade de ce qui est après la raison » (bien qu’il donnera à ce concept un contenu mystique qui pose problème à notre avis. Mais c’est un autre débat que nous traiterons en d’autres occasions).
C’est cette distinction nécessaire pour établir la loi morale, fondée sur la dignité de l’homme et sa spécificité en raison de la dimension spirituelle qu’il porte, et qui ne peut se confondre avec l’ordre de la nature et de l’histoire. C’est cette distinction disions-nous, qui sera annulée par la pensée de Hegel, reprenant le cœur de la philosophie de Spinoza (qui intègre l’essence de Dieu dans la nature et le monde) tout en la critiquant. En leur dénominateur commun, pour Spinoza comme pour Hegel, la réalité divine se confond avec celle du monde tel qu’il est. En d’autres termes, il n’y a pas « d’au-delà » de ce monde qui l’orienterait vers le mieux et le meilleur, car l’ordre du monde est la réalité même de Dieu, qui s’y est incarné et s’y réalise. Il est donc absolu (c’est-à-dire que rien n’est au-dessus et il se suffit à lui-même).
La différence essentielle entre Hegel et Spinoza, se trouvera dans l’entité ontologique qui recevra/dévorera l’entité divine pour uniformiser ensuite la réalité et « unidimensionnaliser » l’homme (car l’idée de Dieu façonne l’idée de l’homme). Ainsi pour Spinoza il s’agira de la nature qui absorbe l’essence de Dieu ; pour Hegel il s’agira de l’histoire qui absorbe l’essence divine. Mais dans les deux cas, le déterminisme est régnant. Et la place à toute idée d’un monde métaphysique et métahistorique qui fonde la liberté et la morale et les possibilités infinies d’un monde, et qui n’obéit pas aux règles de ce monde de nécessité mais les fonde, est inexistante et devient une chimère. Marx (et Feuerbach aussi d’ailleurs) ne feront que reprendre en son essentiel cette idée, ce en allant au bout de la pensée hégélienne (qui fait de l’histoire l’incarnation de Dieu qui se réalise dans le monde): le reniement de toute transcendance et de Dieu (qui devient une création de l’homme), et la réduction de la conscience à ce monde (débarrassé du dieu qui ne se distinguait plus de la nature ou de l’histoire) et ses règles naturelles-historiques, faite de contradictions, de lutte et d’élimination au profit du plus fort, qu’il s’agit de prendre pour la raison d’être du monde et de l’homme.
Ainsi, après la divinité, c’est l’humanité qui se fait absorber et diluer dans ces lois répétitives et indifférentes à la qualité, à la beauté et à l’esprit. L’homme, n’ayant plus de principe supérieur qui fonde sa supériorité, devient (un) moyen et adopte alors pour morale les règles qu’il découvre dans la nature et/ou les outils et idées qu’il invente dans l’histoire, et tente de se soumettre et de s’adapter à elles. C’est cela même qu’est l’idolâtrie des choses (la nature, ses éléments et les origines) ou des idées (l’histoire, les ancêtres et les origines) telle que le Coran le décrit à merveille. L’être humain alors se perd et se fond dans les lois aveugles du fonctionnement mécanique du monde physique et biologique.
Ce qui est, et que l’on croit connaitre totalement, devient ce qui doit être et ce qui doit être fait. Il n’y a plus alors de mystère /ghayb ou de limite à la raison et au savoir ; et il n’y a pas, de morale, de limite et d’interdit qui oriente la volonté et l’action. C’est l’illusion du savoir absolu et celle du droit sans limite de jouir, avec pour seule limite ce que nous impose la nature en attendant sa domination, même si cela a pour conséquence la destruction de la vie biologique et symbolique.
L’économisme capitaliste ou communiste, le monothéisme néolibéral du marché, l’adoration de la concurrence libre et non faussée, le consumérisme, le nationalisme, le suprématisme identitaire, racial, culturel ou ethnique, ou l’obnubilation pour une gouvernance des êtres humains fondée sur le chiffre et le calcul au travers d’indicateurs cybernétiques, contre la gouvernance humaine morale et démocratique. Toutes ces choses qui se transposent dans vies quotidiennes et qui empoisonnent la civilisation humaine, ne sont que la transposition, idéologiquement construite, de cette vision naturaliste, animaliste et scientiste de l’être humain, coupé de toute transcendance divine, après que cette dernière fut en amont falsifiée et détruite, en la diluant dans la nature, l’histoire ou l’homme.
La mondialisation et globalisation actuelles, et la civilisation qui en a inspiré l’esprit et reste son moteur principal, ne causent ainsi les crises économiques et les désastres écologiques qui abiment tant l’humanité et le monde, qu’en raison de cette séparation du spirituel et du temporel, et l’exclusivisme qu’elle donne à la gestion et jouissance plate et quantitative de l’ici bas. Elle se contente des moyens et elle combat férocement les fins. En d’autres termes, elle idolâtre le corps qu’elle oppose à l’esprit qu’elle combat. Et elle emprisonne et veut réduire l’existence à sa réalité éphémère, instinctive et instantanée.
L’Homme ainsi fait la guerre à l’Humain pour le transformer angéliquement ou diaboliquement, selon le prisme idéaliste ou naturaliste dans lequel la domination tente de l’appréhender. Nous touchons ici au fondement religieux judéo-chrétien de la mondialisation que Spinoza et Hegel n’ont que philosophiquement conceptualisé. Il nous faut donc interroger les religions juive et chrétienne dans le rapport au monde qu’elles ont instillé dans les consciences et européenne et américaines et les philosophies hegeliennes et spinoziennes qui inspirent l’esprit de la mondialisation actuelle (la suite prochainement).
©️ Crédit source: post Facebook de l’auteur (25 janvier 2020)
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