​Déclaration : Un simulacre de procès


Treize militants abolitionnistes « iraouis » , adeptes de la lutte non violente, viennent d’écoper de lourdes peines de prison ferme, qui de 15 ans, qui de 5 ans et d’autres de 3 ans. Avec  eux, sept habitants de « Edbaye Ould Bouamatou » se voient infliger des peines similaires. Ces militants antiesclavagistes et ces citoyens de quartiers pauvres de la Capitale vont rejoindre les jeunes du Mouvement du 25 février, condamnés à des peines du même ordre il y a quelques semaines. Ils iront peut être dans les cellules encore chaudes que viennent de quitter, il y a trois  mois, les autres dirigeants d’IRA à savoir son président Biram Dah Abeid et son vice-président Brahim Ramdhane. Ainsi vont les droits de l’homme sous le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, général putschiste ayant légalisé son forfait en se faisant élire puis réélire. 
 Ces peines, extraordinairement lourdes, ont été prononcées à l’issue d’un simulacre de procès où la police était juge et partie, les juges violaient les codes de procédure pénale et l’Exécutif se montrait ouvertement à la manœuvre.  Le procès s’était d’ailleurs terminé sans la présence du Collectif des avocats de la défense qui s’était retiré à la demande des prévenue et à la suite du refus de la Cour d’examiner la plainte pour actes de torture déposée par les détenus contre des officiers et agents de la police qu’ils avaient nommément désignés. La Cour s’étant déclarée incompétente alors que la loi lui fait l’obligation de recevoir de telle plainte.

 Devant la démesure des peines et face à ce qui paraît être un choix d’escalade trahissant la fébrilité du gouvernement de Ould Abdel Aziz, l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA) tient à porter à la connaissance de l’opinion ce qui suit:

 1- Nous saluons nos militants et célébrons leur courage, leur détermination et leur dignité face à l’injustice qui s’abat sur eux et sur leur famille. Vous n’êtes pas  les premiers et ne serez pas les derniers abolitionnistes que le régime esclavagiste et raciste du Général Ould Abdel Aziz a désignés comme cibles, cibles qu’il a systématiquement  ratées. Nos chaleureux remerciements et notre profonde gratitude vont au Collectif des avocats qui s’est spontanément mis en place pour défendre nos militants;

 2- les arrestations de nos militants, leur condamnation à des peines aussi lourdes ne changeront d’un iota notre détermination à déconstruire, jusqu’à la dernière pierre,  le système esclavagiste et à bâtir sur ses ruines une Mauritanie pour tous, juste, égalitaire et prospère. Cette détermination n’a d’égale que notre volonté à mener ce combat, comme nous l’avons toujours fait et notamment pendant les 18 mois de détention arbitraire de nos autres dirigeants, par les moyens de la non violence que nous garantit la Constitution;

 3- Nous exhortons l’ensemble des forces de l’Opposition, les personnalités libres et les institutions indépendantes à unir nos actions et à conjuguer nos efforts pour en finir avec un régime qui n’a que trop, tantôt pris en otage, tantôt en bouclier les uns et les autres pour perpétuer son emprise sur le pays et continuer à s’octroyer les avantages indus produits par le labeur des Mauritaniens. La lutte contre l’esclavage et le racisme est l’affaire de tous et ne peut être gagnée que par les efforts de tous;

4- Nous appelons nos militants à la mobilisation générale pour exiger la libération des détenus en utilisant toutes les formes de luttes pacifiques garanties par la constitution de notre pays.   
 Le bureau exécutif                                        

 Nouakchott le 20  août 2016

​Les abolitionnistes sont « SEULS »…face à  l’État et son « peuple élite »…!!!

J’écrivais une fois que ceux qui nous dirigent ne sont pas des colons. Ils viennent de nous et font beaucoup des choses comme nous. Ceux qui tiennent notre État honteux, ne croient pas à la primauté de l’état de DROIT sur nos normes tribales et communautaires. L’exécutif qui joue de la justice pour étouffer les voi(es)x abolitionnistes et anti-esclavagistes, suit une certaine logique malheureuse que tout Mauritanien sincère reconnaîtrait dans son for intérieur. L’État se sert d’un certain morcellement d’identification sur les différentes injustices qui traversent toutes les  communautés nationales . Il n’est pas étonnant que le mouvement IRA, soit le focus principal des attaques multiples d’un ordre étatique qui porte les desseins des plusieurs milieux réactionnaires ayant  des intérêts convergents (matériels et immatériels). Le corps militant et sympathisant transcommunautaire du mouvement abolitionniste, déroute tous les milieux communautaristes qui sont formés et conditionnés à ne prendre en compte les INJUSTICES que selon certains angles en concordance avec leurs convenances coutumières et sociales. Nos normes mentales et psychologiques font que notre SINCÉRITÉ est toujours DOUTEUSE en fonction des événements qui bousculent notre quotidien honteux et fataliste d’une échelle à une autre. Pour notre État, qui nous incarne finalement au fond, un Haratine exclusivement anti-esclavagiste et abolitionniste est sous contrôle stratégique s’il n’est suivi que par des Haratines communautarisés. Pour Nous autres (Noirs Hors Haratines) , si ce même Haratine est TROP abolitionniste et anti-esclavagiste de fond en débordant sur certaines manifestations socialisées de l’esclavage, il devient dangereux et irrespectueux des nôtres. De ce fait, son combat ne sera pas sincèrement et massivement le nôtre. L’État est honteux mais suit une certaine cohérence évidente, quant à nous, nous sommes à la fois HONTEUX ET INCOHÉRENTS. J’ai honte de reconnaître  de ne pas pouvoir mobiliser plus 150 personnes dans mon village d’origine au sein de mon Guidimakha natal pour manifester contre le verdict qui a frappé les leaders abolitionnistes d’IRA-Mauritanie  (de 3 à 15 ans de prison ferme) . Mais pourquoi..? 

Tout simplement, la cause abolitionniste et anti-esclavagiste ne porte pas chez moi et certainement dans plusieurs localités du Sud Mauritanien. J’ose parier que 95% de nos chefs traditionnels et leurs cours n’ont aucune sympathie pour les thèses abolitionnistes et anti-esclavagistes. Dans les milieux urbains également, on peut plus mobiliser une certaine frange Black pour la Palestine que pour les leaders abolitionnistes incarcérés. Je ne peux ne pas citer un échange avec un homme soninké dans la région parisienne, qui disait que Biram mourrait en Prison parce qu’il est violent et insultant envers tout le monde. L’anti-esclavagisme n’est pas combattu que par l’État seulement. Il y a en nous Autres, des prédispositions sociétales qui sont allergiques à l’abolitionnisme. Ce dernier serait même un critère anti-VALEURS culturelles selon notre code nobiliaire d’honneur. Certains parmi nous, sont contre l’esclavage par principe évidemment, mais ils ne supportent pas l’activisme agissant et “intrusif” des anti-esclavagistes. Reconnaissons-le humblement, notre État Honteux s’aligne sur l’écrasante majorité du « peuple élite » qui n’est pas forcément esclavagiste mais foncièrement et HONTEUSEMENT anti-abolitionniste. On dirait que les partis politiques classiques font eux aussi du minima sur cette affaire farfelue mise injustement sur les cadres d’IRA-Mauritanie. Rappelons nous de l’interpellation pendant quelques heures du colonel Ould Beibacar .
 Ce dernier par ses sorties courageuses sur certains événements douloureux du passé, avait été arrêté, et à la suite, lors d’une conférence de presse en présence des plusieurs voix qui comptent, un comité de soutien expresse avait été mis en place pour sa défense. Et là, la timidité de certains acteurs de la scène politique est étrange. Bref, les partis sont peut être un certain reflet de ce qui tient les tripes de nos sociétés. De ce point de vue, aucun parti n’est esclavagiste évidemment, mais ceux qui tiennent les partis politiques ne sont pas tous à l’aise avec le VRAI anti-esclavagisme et l’abolitionnisme.
K.S