Le soninké du Guidimakha profond et l’État : cet administré dompté devenu le citoyen effacé et insensible..!?

Chez nous depuis tout petit, l’État par son émanation locale (départementale ou régionale) est incarnée dans l’imaginaire collectif par une force répressive. Appelé en soninké ordinaire sommairement « FANKA » qui veut dire « FORCE » plutôt que « l’autorité » ou « FANKANSORO » (CEUX QUI DÉTIENNENT LA FORCE« , l’ordre étatique est craint et relève même de l’intimidation, et vaut mieux ne pas avoir affaire à lui. Une certaine représentation est faite de l’ordre étatique qui n’aura de toutes les manières que RAISON sur NOUS. Ainsi la peur du « FANKA » est incrustée dans la socialisation du jeune villageois. À une époque, le véhicule des gendarmes départementaux ou des gardes forestiers, représente le « monstre » à ne pas s’approcher. Cette auto-soumission inconsciente fait que les administrateurs locaux peuvent passer du zèle aux abus pendant des longues années sans aucune réclamation. Une situation fataliste s’instaure dans la conscience collective qui est disposée à accepter docilement le statut d’éternels fautifs jamais réclamants . Cet ordre peut même se retrouver au sein des centres médicaux et des établissements scolaires. L’infirmier d’état ou le directeur de l’école peut s’arroger certaines positions par des comportements scandaleux pendant plusieurs années sans crainte. Historiquement, nous croyons que ceux qui sont dépositaires d’un pouvoir quelconque affilié à l’État, ne sont jamais en tort. Pire leurs torts peuvent paraître comme leur travail que nous devons supporter comme des grands enfants. Nous sommes agriculteurs dans notre profond Guidimakha, à la saison des récoltes, les bergers arabo-berbères du Nord-Est sont souvent à l’origine d’innombrables affrontements. Il suffit de voir un dromadaire  qui saigne, c’est tout le village qui tremble quant à l’éventuel appel au FANKA par le berger propriétaire. Pourtant nous qui sommes les administrés locaux, nous croyons que les bergers nomades venus d’ailleurs seront plus écoutés et entendus par l’administration locale que nous. Soumis au diktat du pouvoir local sans rarement broncher, nous serons doublement lésés par d’autres concitoyens venus d’ailleurs  peut-être plus alertes sur leurs droits fondamentaux selon la législation en vigueur. Peu importe, la réalité est très amère quand on y prête attention. Ce conditionnement craintif peut relever de la psychologie qui rappelle le régime colonial appliquant l’indigenat. D’ailleurs, c’est pourquoi la conscience politique et citoyenne dans nos terroirs est loin d’être la plus vive du pays. Le type villageois surtout illettré de surcroît  assimile l’État  à une nébuleuse inaccessible et personnifiée par le gendarme départemental qui a toujours raison sur TOUT et qu’on lui doit obéissance passive. Dans un coin comme le département d’Ould Yengé ayant le chef-lieu du même nom, 90% des administrés Soninkés ne se sont jamais rendus dans cette ville très enclavée de sa partie Guidimakha mais plutôt ouverte vers Kankossa dans l’Assaba. 

Au final, un ressortissant de ces zones, ayant vécu ce cheminement d’une certaine soumission admise collectivement, sera difficilement concerné par l’engagement dans le militantisme politique et citoyen à l’échelle nationale. Ce syndrome originel suit certains parmi la diaspora mauritanienne soninké en France, pourtant très importante mais difficilement mobilisable en masse pour des légitimes revendications les concernant de près. Ces dernières années, la mobilisation bruyante autour de l’enrôlement biométrique controversé, a suscité des manifestations conséquentes contre certains critères fixés par l’état civil. Mais l’atmosphère revendicative s’est adoucie après quelques concessions timides de la part des autorités étatiques. Il n’en demeure pas moins que plusieurs ressortissants de ce Guidimakha profond, naviguent dans le flou total concernant la procédure de la double nationalité (française, espagnole ou d’autres) et surtout certains cas des personnes n’ayant pas été recensées en 1998. Notre peur bleue du FANKA aux villages va finir par notre élimination administrative sur le plan légal de nos terroirs. Imaginons un jour, si on arrivait à nous exiger des cartes de résidence sur nos terres ancestrales. 

Il faut aussi rappeler le système de pot de vin bien connu dans le milieu administratif où pullulent d’innombrables marchands de sommeil du service qui font une interface lucrative entre les citoyens demandeurs d’un service et le corps administratif. Ceux qui sont « anormalement chanceux » de connaître un « bras long » sont servis sans trop de tracas, mais les autres sont condamnés de tourner en rond pendant plusieurs mois voire plusieurs années pour un simple acte de rectification d’un document d’état civil. Sinon, il faut du cash trébuchant pour l’intermédiaire sans statut légal administrativement parlant, qui connaîtrait quelqu’un qui à son tour connaîtrait l’agent du bureau responsable du service demandé. La peur puérile qu’on nous a distillée tôt  face au milieu administratif, fait de nous des proies faciles pour un système corruptif bien huilé  . Pressés, excédés et inquiets parfois par le facteur temps, nous ouvrons facilement nos portefeuilles pour ACHETER nos DROITS LÉGITIMES au grand bonheur d’un milieu corrompu et corruptible très vorace. Le pire est que notre inconscience citoyenne nous mène à une certaine illégalité plus ou moins assumée, en devenant des CORRUPTEURS qui assurent la survie d’un système érigé en mode de gestion . L’individualisme est un autre marqueur dans nos rangs. Nos multiples doléances peinent à être portées par un collectif légitime et bien étoffé qui fera abstraction de toute obédience politique ou communautaire afin d’exercer un lobbying conséquent et unitaire . L’avarice est également l’un de nos « péchés capitaux ». Les actions revendicatives au nom du collectif nécessitent un appui financier, mais peu de gens sont sensibles à ce volet et on dirait que tout est attendu gratuitement de part l’infime minorité active. 

Cependant d’autres problématiques affectent la situation socio-politique du pays, mais notre engagement ne semble pas être à la hauteur des enjeux portés vers l’émergence d’un État de DROIT en Mauritanie. Notre intérêt, c’est de participer en masse par une large prise de conscience de laquelle pourraient surgir des solutions justes, dignes et pérennes à nos multiples MAUX longtemps esquivés. 

Sur le plan politique, particulièrement en période électorale, l’écrasante majorité va succomber aux sirènes clientélistes de certains introduits politiciens orientés vers le communautarisme d’appoint au système étatique en place. Ainsi nous devenons des votants à conquérir sans efforts mais jamais des CITOYENS CONSCIENTS de notre qualité de CITOYEN au vrai sens. 

K.S 

04-08-2016 16:33 – L’éditorial de www.saheljournal.info: A Tariq Ramadan


Sahel Journal
– Cher Tariq, vous avez été expulsé de la Mauritanie. Vous étiez venu en Mauritanie pour débattre de l’extrémisme, sur invitation d’une organisation humanitaire.

Une organisation de partage, d’entre-aide et de lutte contre la pauvreté, animée par une jeunesse éprise de justesse et qui a de la pitié pour des milieux des pauvres mauritaniens cherchant à manger. C’est là l’une des raisons d’être de la « Marmite du Partage », une ambition musulmane.

Cher Tariq, sans doute, vous le savez, votre expulsion semble être un ordre de « l’international tyrannique ». L’exécution de cet ordre a commencé à l’aéroport de Casablanca. C’est à partir de cet aéroport qu’on a tenté de vous empêcher d’embarquer pour la Mauritanie.

Les marocains vous ont finalement laissé pour que les Mauritaniens exécutent la besogne. C’est un ordre de l’international tyrannique, de la pensée unique, d’une civilisation sclérosée et de la privatisation de l’islam.

On vous attendait.

Pour la belle culture islamique que vous représentez… pour un islam sans scories, un islam originel tel qu’édicté par le saint CORAN. Les autorités de ce pays, notre pays, qui vous ont refusé l’entrée sur leur territoire, excellent dans le paradoxe et le déni de l’humanisation de ses citoyens. Elles sont dans la promotion de l’esclavage, la féodalité, le racisme, l’intolérance… certains ingrédients de l’anti-islam, au moment où notre religion, la religion de l’Etat mauritanien, recommande la fraternité, la tolérance, le partage, la cohésion, la paix sociale…

On vous attendait pour l’action humanitaire de l’organisation « Marmite du Partage », une organisation d’une jeunesse qui croit à la Mauritanie. La Mauritanie pensée autrement, la Mauritanie de la justice, de l’égalité et du partage. Cette jeunesse qui combat la famine, a une ambition des droits de l’homme, d’entre-aide, de lutte contre la pauvreté ; n’est ce pas là une ambition musulmane ? !

On vous attendait (le peuple, les pauvres) en Mauritanie au moment où nos autorités s’activaient à recevoir une partie de la TYRANNIE de notre époque. Cette communauté des plus riches du monde qui se sont rencontrés à Nouakchott ont les populations et les coreligionnaires les plus misérables de la planète… victimes de la guerre, de la famine… et où dans plusieurs des pays qu’ils représentent l’incertitude du pain de demain est un quotidien amer connu de nous tous… la manifestation radicale de la pauvreté humaine. L’islam ne veut pas de cela.

Ils prônent l’Islam et pourtant entretiennent et alimentent l’anti-islam : la dictature, l’individualisme, l’intolérance et surtout l’insouciance. Insouciants des sorts des Palestiniens sous les bombes d’un diktat, des Syriens meurtris dans l’inefficience des actions de nature à les extirper de l’enfer et de l’indifférence ; que dire des Libyens, des Irakiens, des Somaliens et bien de citoyens d’autres pays…

Chez moi, où on vous a refusé l’entrée, on ploie sous le fardeau de l’improvisation, de l’archaïsme et de la honte comportementale.

Ici, en Mauritanie, les musulmans naissent différents, meurent différents dans l’indifférence de la construction d’une nation mauritanienne. Car, il y a longtemps qu’on a perdu la cohésion, le sens du vivre ensemble dans l’échange et la fraternisation. C’est le mode d’emploi des tenants du pouvoir : diviser pour mieux régner, pérenniser un système qui abêtit la Mauritanie.

Chez moi on cultive l’incivisme… Le citoyen, comme un mendiant acculturé, fait le pied de grue devant les maisons et les bureaux de nos politiques qui nous réduisent au statut de vulgaires hères sans droits.

Chez moi, où tout le monde est musulman, on se confond avec le vol, le mensonge et l’intolérance. Chez moi, où on vous refuse l’entrée, un érudit a offert le Saint CORAN au Président Taya en ces termes : « Excellence, veuillez accepter ce modeste cadeau ! ». Et on sacralise Khlil… SOUBHANALLAH

Chez moi où le peuple vous attendait et où les gouvernants vous refoulent, l’islam est privatisé. Car chez moi, on nait Imam on ne le devient pas, du fait d’une instruction islamique évidente. Chez moi où on (le régime) ne veut pas de vous, on a menacé de transformer les mosquées en boulangeries. Chez moi, on tue et déporte des citoyens impunément.

Chez moi, on est atypique et particulièrement particulier. Car chez moi, il y a aussi des saints et des citoyens justes et tolérants mais sans voix ni «voie»…. Très cher Tariq Ramadan, à bientôt dans cette Mauritanie en devenir qu’on aime tant…

Camara Seydi Moussa


Source crédit : http://www.cridem.org