03-06-2015 16:33 – Rencontre/Ladji Traore : Quelques épisodes de l’itinéraire du combat d’un Chevalier de la Démocratie et des Droits Humains.

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Ladji Traoré, une vie de lutte. Le hasard a voulu que ce soit un neveu de l’homme, pharmacien de son état qui nous indique la maison du « tiramakha » (guerrier-chasseur) en langue soninké. Cridem a rencontré l’encyclopédie du monde syndical et politique mauritanien.

Septuagénaire, ayant à son actif une quarantaine d’années consacrées à la lutte politique et syndicale, nous avons trouvé l’homme dans la cour de sa maison sur un petit lit, respirant à pleins poumons l’oxygène des arbres de son jardinet. Nous avons reconnu un grenadier ; un manguier et autres « spécimens tous venus du Burkina-Faso ; c’est ma femme qui les a amené » confie-t-il.

L’homme qui a très tôt rencontré les difficultés de la vie, raconte la sienne, avec un itinéraire plein d’embuches qui n’ont fait que l’aguerrir. Ancien élève du lycée Van Volonoven de Dakar, actuel lycée Lamine Gueye, l’homme qui voulait devenir un vétérinaire, verra son destin basculer vers les sciences économiques.

Une orientation du fait d’un professeur pied noir ; qui visiblement ne voulait pas « former des communistes qui vont aller combattre la France à la fin de leurs études ». La descente aux enfers va se poursuivre pour l’infortuné Ladji Traoré qui va être sevré d’une bourse d’étudiant en France en 1963.

Mais c’était assurément sans compter avec la détermination d’un homme très passionné pour relever tous les défis. Son petit air jovial masque sa monomanie entreneuriale. Il a tout calculé, tout prévu, tout appris dans la vie.

De retour au pays avec la naissance du mouvement national démocratique (MND), dont il est l’un des membres fondateurs, il va avec des amis réussir la prouesse de « casser l’UTM» centrale syndicale unique de l’époque, caisse de résonnance de l’Etat.

Réplique de l’Etat, en 1970 avec une mutation à Walata. « Tiramakha Traoré » se trouve « relevé de ses fonctions par une note manuscrite et mis à la disposition du wali pour servir à Walata ». Stoïque comme un loup ; il part vers l’inconnu.

Avec la naissance de son enfant on lui refusera la permission de venir le baptiser, poussant son épouse d’origine nigériane, professeur d’anglais à le rejoindre avec leur bébé. Dans ce bled, l’homme a su mêler l’audace à la prudence et l’irrationalité à la volonté, lorsqu’il le fallait.

Septembre 1970, il organise une manifestation sous la barbe du Ministre de l’Intérieur Ahmed Ould Mohamed Saleh avec une douzaine de NMADIS de la localité, à l’occasion d’un banquet auquel il était invité. Le Ministre n’arrivait pas à situer cet homme qui sait tout autour de lui.

A écouter l’homme, on sent que d’un côté il y a la face laide, très laide du monde. Emprisonnement, clandestinité, torture morale, violation des droits humains, la violence faite à tant d’individus sont ces combats de tous les jours. De l’autre, un univers inchangé ; celui des gens de sa génération de sa corporation politique.

« Mon idéal consiste à être performant dans la continuité, et pas seulement en passant d’une phase à l’autre de la vie » ; dit-il en revenant « sur la grève illimitée de 1970 » qui s’était étendu sur tout le pays. L’homme de son exil forcé à Walata, souligne, « j’avais donné une copie de mon préavis de grève pour rejoindre Nouakchott ». On a voulu par des pressions le retenir, mais l’homme était déjà dans l’avion.

Feu Moustapha Ould Mohamed Saleck qui était le wali de la région et son ami avait jugé que l’homme avais agit en toute légalité, en lui demandant d’apposer sa griffe sur le préavis de grève. Il le fît et prit les airs vers Nouakchott. Sa venue ne fût pas sans conséquence pour le gouverneur.

Le travail de sa vie a toujours été d’effacer les injustices sociales, Il débarque à Zouerate pour soutenir les travailleurs de la MIFERMA en septembre 1971, avec comme guide l’actuel député maire de Nouadhibou Ghassem Ould BELAL où Les ouvriers avaient observé une longue grève qui a tout paralysé « A Zouérate la tradition de lutte pour les droits sociaux est très encrée au sein de ces ouvriers » confie-t-il.

Il y’avait eu une manifestation des ouvriers qui s’était soldée par la mort de (5) cinq ouvriers le 29 mai 1969 un événement qui est célébré jusqu’à nos jours chaque année. La grève qu’il avait supervisée a duré sept jours, fera remarquer celui « qui ne peut faire les choses à moitié ». Avec ses amis, confortés par leur expérience de la vie et celle des personnes qu’ils assistent, ils vont vaincre l’ivresse du cynisme que génère leur sacerdoce.

Las, le gouvernement voulu en 1973 « dissoudre le syndicat UTM r, disperser les dirigeants du mouvement national démocratique, ainsi se trouvant enfermés à Tichit, a Bassiknou puis à Tamchekett où l’année suivante, ils vont entamer une grève de la faim de neuf jours. Eprouvés par une longue diète, anémiés, déshydratés ils seront évacués d’urgence à Aïoun. « La vie est toujours rude pour les gens qui luttent » relate-t’il.

En 1975, la Mauritanie entama plusieurs réformes dont le congrès des jeunes, la création de la monnaie nationale, la nationalisation de la MIFERMA, révision des accords militaires avec la France, entre autres ensuite le pays entra de plein pied dans la guerre du Sahara, l’homme confia que « Beaucoup de cadres de la Mauritanie ont rejoint le Polisario pour mener le combat de libération.

Le pays a une longue histoire de luttes que j’ai vécues. Comme au temps du Front Uni pour la Démocratie et le Changement –FDUC-». Il n’a pas hésité aussi à évoquer des sujets qui fâchent ; à l’image du temps « les FMI boys avec un certains Ahmed Daddah mon ancien collègue du lycée Van, et qui était à l’époque fonctionnaire du fonds international à Bangui ».

En cette période de dialogue du pouvoir avec l’opposition les temps sont durs. « Quand les gens ne sont pas d’accord sur le contenu, ils ne peuvent l’être sur le reste » parlant de la CAP, il lâche : « Elle n’est pas hélas cohérente elle aussi ».

Toujours sur la classe politique mauritanienne, Ladji (Kaw) estime qu’il « faut créer un autre cadre fédérateur pour le dialogue, il y a des hommes de progrès mais avec beaucoup de divergences que les militaires exploitent ». Par des allers-retours sur la situation du pays, il termine par ce qui fait l’événement.

« L’enjeu de la Mauritanie aujourd’hui, c’est le foncier, l’éradication de l’esclavage, la réinsertion des déportés mauritaniens du Sénégal et du Mali et le règlement du dossier des massacres extra-judiciaire de 1990-91, conditions de la réalisation d’une véritable démocratie » dit-il en nous remettant une copie du document des personnalités et cadres Sooniko, intitulé : « Pour une Redéfinition Équitable du Pacte Fondateur de Notre Nation en Construction ».

Avec un sourire qui laisse apparaitre des dents nacrées, Kaw, c’est la candeur toujours. La détermination, invariablement. La liberté, définitivement. Voilà qui résume bien une personnalité et une vie.

ADN

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Source crédit :cridem.org

SoninkIdees-J’ose

Un cri osé: Ma Cause avant mon Parti.

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Un parti politique est souvent un parti pris très limité et ambiguë :

En matière de défense des droits humains, trop d’organisation et de retenue, fausse le sérieux à l’endroit du petit peuple. Vaux mieux choisir sa cause noble même étant seul, que s’encarter dans une structure organisée qui inhibe tes intimes convictions.

Connu sous le modèle classique, un parti politique s’inscrit d’abord dans un agenda visant l’accession au pouvoir, et pour se faire, il ne peut éviter de vouloir soigner certains milieux dominants. Ces derniers, par leurs influences multidimensionnelles, exercent un contrôle par procuration du petit peuple via des discours attrayants de partis politiques qui, une fois au sommet se servent d’abord et récompensent les soutiens qui ont pesé.
Dans des pays comme le nôtre , un homme engagé et déterminé via un mouvement qui sort du cadre traditionnel partisan, peut révolutionner, réformer, éveiller et changer avec les couches sociales lésées en 6 ans là où les partis politiques rangés traînent depuis bientôt 60 ans. Le nouveau braquet de la mouvance abolitionniste sous la lancée d’IRA-Mauritanie depuis 2008, secoue les segments tribalo-ethniques qui trichent et trompent l’écrasante majorité du peuple par le biais des partis politiques classiques qui passent beaucoup de temps à leur organisation interne et peu de temps à une réflexion profonde sur l’origine des maux qui affectent et sabotent l’Etat de droit. Sous un régime autoritaire comme celui en place en Mauritanie, un homme politique sérieux qui s’oppose par les discours « balisés » de son parti perd du crédit et devient un opposant utile du pouvoir. En Mauritanie en 2015, il suffit de s’engager sérieusement même pacifiquement auprès des personnes victimes et assimilées, pour qu’on soit traqué, harcelé et emprisonné.

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